Endwar – De la fiction à la réalité


Chroniques, Rétro-éclairage / lundi, février 27th, 2023

Ubisoft a beau répéter à tort et à travers qu’aucune de leurs créations n’est politique et que ce sont de pures fictions, la réalité a fini par les rattraper. Pour le coup, c’est un titre de 2008 qu’on aurait pensé très fantasmé qui glisse doucement vers une actualité malheureuse. Retour sur Tom Clancy’s Endwar, qui voulait juste être un jeu de stratégie sur consoles.

Ici la Voix

C’est par cette idée toute simple et « casse-gueule » qu’Ubisoft Shanghai a commencé sa production d’Endwar. Voyant la rareté des jeux de stratégie à la manette, le studio réfléchit à rendre ce concept aussi efficace que le combo clavier/souris. Pour contrer le faible nombre de touches de nos pads, Ubi Shanghai a une idée pas si révolutionnaire : la reconnaissance vocale. Si le Headset de PlayStation était déjà robuste pour donner des ordres sur SOCOM, ici, l’utilisation de notre voix est encore plus maitrisée puisque les développeurs s’orgueillaient d’une détection à 95 % (sur la langue anglaise du moins).

Si chaque partie est entièrement faisable via un micro, ce n’est pas tant l’efficacité du système qui est intéressante (surtout vue de notre époque des Ok, Google), mais l’immersion qu’il permet. Énoncer des phrases comme « Alpha, sécurisez Charlie » ou encore « Gamma et Beta, attaquez Delta » et voir ses troupes s’activer a quelque chose de fascinant. On a véritablement l’impression d’être aux commandes d’une armée.

La fin de la guerre dans ta poche

Toutefois, l’illusion ne peut pas prendre sur consoles portables, et l’éditeur donne carte blanche à Funatics (ayant déjà travaillé avec Ubisoft sur The Settlers) pour réaliser une adaptation sur PSP et Nintendo DS. Si l’on peut craindre le pire, connaissant la plupart des portages sur ces deux machines, il n’en est rien. Funatics ne garde que deux choses : le contexte, et la stratégie. Tom Clancy’s Endwar sur DS et PSP passe du temps réel au tour par tour, du réalisme au limite cartoon, pour un résultat qui ne cache pas son amour pour Advance Wars. Finalement, sans reconnaissance vocale, Endwar récolte de meilleures notes que les versions consoles et PC.

D’ailleurs relativement bien accueilli dans l’ensemble par la presse, un deuxième épisode a failli voir le jour. Mais l’échec commercial du titre a amené Ubisoft à revoir ses plans. Si Endwar est bien revenu, c’est par le biais d’Internet. Endwar Online sort en effet en pleine explosion des jeux sur navigateurs. À l’époque des Settlers Online et autres jeux Facebook, le dernier Endwar proposait des escarmouches sur une carte de la taille de l’écran et sur un gameplay basé sur les naissants MOBA. Une combinaison parfaitement opportuniste, qui finira sans surprise par une rapide fermeture des serveurs en 2016.

Endwar DS

Clancyverse

Si Tom Clancy’s Endwar nait de la volonté d’Ubisoft Shangaï de réaliser un jeu de stratégie sur consoles, pour l’éditeur, l’objectif tout autre. Ubisoft entend bien en effet étendre la franchise Tom Clancy. Endwar sert donc de véritable catalyseur pour rassembler plusieurs licences adaptées de l’écrivain. En choisissant de diriger l’armée américaine dans le jeu, on se fait briefer par un certain Scott Mitchell. Héros récurent des Ghost Recon depuis le deuxième opus, certains de ses collègues de l’état-major sont eux aussi des Ghost. Par ailleurs, avec Endwar, Ubisoft Shanghai introduit l’unité H.A.W.X., qui aura son propre jeu de simulation d’avion un an plus tard.

Le jeu de stratégie sorti en 2008 est clairement la porte qui a amené Ubisoft à créer un véritable multivers où ses licences se croisent. On en avait déjà parlé ici, mais le concept continue aujourd’hui. Sommet de ces croisements : le jeu Elite Squad, qui proposait des combats au tour par tour avec uniquement des personnages venant de Rainbow Six, Ghost Recon, The Division, Splinter Cell, H.A.W.X.… et EndWar.

Endwar briefing

Déjà-vu

Lancer Tom Clancy’s Endwar peut donner un vertigineux sentiment de déjà-vu. On ne parle pas ici du Clancyverse, mais de l’introduction même du jeu. Le titre d’Ubisoft Shanghai tient en effet place dans un monde où une flambée du prix du pétrole touche tous les pays et où la Russie investit dans l’armée grâce notamment à ses revenus venant du gaz. Non loin de là, l’Union européenne renforce ses liens en créant une coalition militaire sur la base de vétérans d’élite du contre-terrorisme. Tandis qu’aux États-Unis, la poursuite de la suprématie spatiale s’intensifie.

15 ans après, Endwar pourrait être élu premier jeu Nostradamus. La proximité de ces évènements fictifs avec celle de la Guerre en Ukraine, de l’Union européenne qui se concerte militairement, de la hausse importante du prix de l’essence, ou du retour du programme spatial états-unien est déstabilisante. Évidemment, ce genre de scénario ne sort pas de n’importe où, et on notera qu’à la même année, Frontlines : Fuel of War imaginait également un conflit mondial à cause du prix du pétrole. États-Unis et Union Européenne y affrontaient la Chine et la Russie. De Modern Warfare 2 à Battlefield 4 en passant par Command and Conquer ces deux pays ont souvent été l’ennemi dans nos jeux guerriers. Sans doute le fruit d’un soft-power datant de la guerre froide, contre deux pays aux cultures différentes et aux dirigeants pas toujours amicaux. Mais aussi parce que, dans nos fantasmes, ce sont les deux seuls pays qui paraissent crédibles militairement en tant qu’envahisseurs. Quant à la flambée du prix du pétrole vue dans les deux jeux, elle fait écho au troisième choc pétrolier subit en 2008. Endwar s’inspire plus d’un événement passé que ceux du présent, mais reste tout de même un jeu à forte connotation politique.

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