God of War Ragnarök – L’éléphant bavard


Critiques, Jeux Vidéo / samedi, mars 11th, 2023

Si la fin de God of War laissait apparaître d’autres mythologies, Kratos compte bien rester encore un peu en ancienne Scandinavie, le temps de boucler un diptyque novateur. C’est d’ailleurs tout le sujet de l’appréhension de God of War Ragnarök : comment faire suite à un épisode aussi décisif et impactant pour la licence ?

Le syndrome de l’épisode 2

Dès les premières heures, les inquiétudes se confirment : oui, God of War Ragnarök n’a pas la puissance de son ancêtre de 2018. Le choc de la caméra placée en arrière, et de ses conséquences sur le gameplay, est passée. De plus, les premiers affrontements sont particulièrement plats (hormis deux boss, dont l’un dans la veine de Baldr…), à cause d’une faune peu inspirée. Le bestiaire n’est pas très étoffé, et joue avec paresse la carte de l’archétype variée (monstre, monstre acide, monstre plus gros, monstre explosif…). Il faut de longues heures de marche avant de gagner en intensité dans les combats, et de devoir utiliser toute la panoplie de coups et d’armes à notre disposition. Notamment le combo feu/glace pour entamer plus rapidement la vie des ennemis.

Dès lors, GoW Ragnarök se met en marche et surpasse même son prédécesseur, en distillant des combats mémorables. On retrouve enfin cette mise en scène God of Waresque que l’on avait jusque là perdue. On sent que Cory Barloag (directeur de la licence, mais pas de celui de 2018) est revenu avec sa surenchère humainement impossible. On se rappellera sans doute plus des gros combats de Ragnarök, notamment ceux du dernier chapitre, que ceux de God of War de 2018. Celui-ci misant plus sur les affrontements intimistes et annexes, comme les valkyries par exemple. La mise en scène spectacle contre la mise en scène du gameplay en somme.

god of war ragnarok boss

Ragnarök is coming

God of War Ragnarök continue d’étaler la mythologie nordique de manière fidèle. Fenrir, Surt, l’enceinte d’Asgard… tout est bien là. On retrouve tous les éléments évoqués par l’Edda, de sorte que GoW Ragnarök est une réadaptation de cette mythologie en ajoutant finalement qu’un seul personnage dans cette équation divine.

Dans la culture populaire récente, Marvel avait jusque là imposé sa vision des dieux nordiques, en mettant notamment en avant le triangle Odin, Thor et Loki. Il est intéressant de voir qu’au contraire, God of War Ragnarök s’est d’abord approché de personnages peu populaires de cette mythologie, avant de présenter sa version des trois divinités citées précédemment. On retient d’ailleurs fortement la personnalité d’Odin, qui tranche avec celle de bon nombre de méchants du jeu vidéo.

La lumière est plus rapide que le son

Si le choix des personnages tranche avec celui de Marvel, il en est tout autre de la musique. Celle-ci n’est pas loin d’être catastrophique. Soit elle singe les thèmes populaires récents, avec des côtés parfois très The Dark Knight, puis des sonorités épiques venues justement d’un Marvel quelconque, quand ce ne sont des notes tout droit sorties du générique de The Mandalorian. Des compositions très largement inspirées donc, qui ont pourtant valu au compositeur Bear McCreary le Game Awards 2022 de la musique.

La direction artistique visuelle, elle, est  davantage réussie. Certains décors sont véritablement magnifiques, notamment celui de la jungle, que l’on n’a jamais vue aussi vivante et abondante dans un jeu vidéo. On sent effectivement toute la puissance de la PlayStation 5 dans le titre de Santa Monica, et on se dit que Sony a bien fait d’en faire une exclusivité sur cette console, et non partagée avec la PlayStation 4. Halo Infinite, on pense à toi

god of war ragnarok graphisme

Obstination

Pour se démarquer de la nouvelle caméra de God of War 2018, il fallait bien une idée inédite pour cette suite. C’est donc la volonté d’un jeu entièrement en plan séquence qui a été mise en avant dans la communication du jeu. Si l’auteur de ces lignes a déjà peu d’intérêt pour ce gimmick au cinéma, le plan séquence dans le jeu vidéo est particulièrement vain. En effet, à moins de jouer 30 heures d’affiler, le joueur devra de toute façon couper la caméra lors de l’extinction de la console, si ce n’est lors des différents retours aux menus inventaire/compétences/carte…

Cette idée est donc complètement incompatible avec le jeu vidéo et montre l’une des rares limites entre ce média et celui du cinéma. On pourra arguer que le plan séquence permet de jouer sans aucun temps de chargement, ce qui est aussi vrai que retors. En effet, s’il n’y a qu’un court temps à chaque lancement de partie, God of War Ragnarök regorge de cache-misères bien connus pour camoufler le chargement des niveaux, comme les passages étroits notamment.

Kratos comme vous ne l’avez jamais vu…

Et si l’atout majeur de cette suite était finalement son écriture ? God of War 2018 nous avait déjà surpris avec ce Kratos redevenu père, ce Ragnarök en rajoute une couche à tous les niveaux. Tour à tour et petit à petit, on découvre que notre héros guerrier a des doutes, voir éprouve de la peur et peut même, chose que l’on pensait impossible, être à deux doigts de lâcher une larme. Au final, nous sommes face à un dieu de la guerre qui est las des combats et dont la seule hâte est de jeter ses armes. God of War Ragnarök est à God of War ce que John Rambo est à Rambo. C’est l’évolution enfin humaine d’un héros badass, de plus en plus fatigués de l’être. Il rejoint ainsi ces figures du jeu vidéo devenues récemment plus proches de nous. Entre un Nathan Drake frustré de la vie de famille, et un Master Chief en plein deuil.

god of war ragnarok Kratos

… et ses amis aussi

Kratos n’est pas le seul à avoir gagné en profondeur. Tous les personnages (déjà bien intéressant auparavant) ont été enrichis d’une histoire plus poussée. Atreus est devenu plus agréable (l’âge ingrat est passé, sans doute) et permet d’ailleurs une mécanique empruntée à The Last of Us 2 que l’on avait cependant vu venir. Nos autres acolytes sont eux aussi peu avares en sentiments. Que ce soit Freya, Mimir, Sindri ou son frère Brok, tous ont un passé sombre à raconter dans cet épisode, que ce soit par la quête principale ou celles annexes.

Ces dernières sont d’ailleurs extrêmement agréables, d’une part parce qu’elles enrichissent naturellement le récit, mais aussi par leur level-design. En effet, on les trouve soit dans des HUB exclusifs à celles-ci, ou de manière empirique, au détour d’un chemin. Surtout, les trésors qu’elles permettent d’acquérir récompensent fortement le joueur, qui comme un chien ayant reçu une friandise après un tour, renouvellera l’opération de bon cœur. On atteint donc facilement les trente heures de jeu en faisant la quête principale et les grosses missions annexes.

Le Metal Gear des God of War

Pourtant, c’est peut-être là le plus gros point faible de God of War Ragnarök : il est trop long. Pas vraiment par le contenu, mais par les scénaristes qui semblent ne jamais vouloir lâcher leurs personnages (qu’on ne verra peut-être plus ?). Le gameplay et surtout la construction des niveaux sont donc au service de la narration. Tout est bon pour faire parler encore et encore les personnages et éviter les affrontements pour ne pas être interrompu. Les fameux passages étroits évoqués plus haut, le chargement de la porte dans l’arbre monde (qui est étrangement plus rapide quand personne n’a besoin de parler), les sorties en barque, voire des allers-retours pas franchement utiles.

Bref, tout est fait pour nous abonder en contexte, sans passer par le système des audiologs. Et tant pis si cela nuit à la cohérence, avec des personnages qui parlent tout seuls. Toutefois, ces incessantes tirades ont un avantage : on ressent une véritable forme d’apaisement à la fin du jeu, lorsque les personnages se taisent enfin. Car c’est aussi ça le Ragnarök : la fin de la parole… et sa renaissance ?

2 réponses à « God of War Ragnarök – L’éléphant bavard »

  1. J’ai pas compris le coup de l’exclu PS5 pas sortie sur PS4. Ironie ?
    Sinon moi j’ai trouvé les endroits de chargement plutôt bien fait et les dialogues de contexte assez sympas, humour, toussa.
    Le coup du plan-séquence est aussi sympa, même si en effet ça n’amène rien, c’est quand même du boulot à faire.
    Après, trouver ce jeu long… y’a un test de l’infinissable AC Valhalla quelque part ?
    Mon vrai seul regret : je joue en facile (choix perso) et les deux combats (Gna et le roi dont j’ai oublié le nom) sont infaisables pour moi.
    Il fait partie des rares jeux PS5 à acheter full price à la sortie pour moi.
    Comme Ratchet et Clank.

    1. C’était effectivement une pointe d’ironie face à Halo Infinite dont on a souvent pensé qu’il n’était pas fou graphiquement sur Xbox Series parce qu’il était aussi développé sur One.
      Il n’est pas juste long pour être long (comme beaucoup trop de mondes ouverts récents), mais plutôt étiré pour pouvoir faire marcher les personnages. Après j’ai passé un très bon moment dessus, et c’est effectivement LE jeu de la PS5 pour le moment.

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