D’entrée de jeu, la bande-annonce de Civil War rappelait le jeu vidéo The Division 2. Avec ces plans des États-Unis dévastés de l’intérieur, ces rues vides, et ses monuments les plus symboliques détruits. Mais le film d’Alex Garland n’est finalement pas une réécriture de ce nanar, et c’est tant mieux. Non, Civil War a en réalité bien trompé son monde.
Blockbuster si besoin
Au-delà de ces images apocalyptiques des États-Unis, la bande-annonce dégageait également quelque chose d’extrêmement énergique. Un véritable film d’action, de guerre, façon Black Hawk Down, mais sur son propre sol. On ne peut pas tout à fait dire que cela soit mensonger. Alex Garland excelle dans les grosses scènes intenses dignes d’un blockbuster. On pense notamment à ce final, assez long et qui nous tient en haleine, ou presque, jusqu’à la toute dernière image. Un renvoi particulièrement visible à l’une des missions les plus emblématiques de Modern Warfare 2 (2009).
Malheureusement, cela sonne un peu comme un rattrapage. Car pour un film qui s’appelle Civil War, le sujet de la guerre civile états-unienne y est peu traité. Elle est bien présente, sur presque tous ses plans, mais elle n’est qu’une fine partie. C’est presque même un prétexte aux véritables sujets du film.
Redacted
En réalité, Alex Garland s’intéresse bien plus aux correspondants de guerre. On en suit effectivement quatre dans ce qui est plus un road-trip aux enfers, qu’un film de guerre. Entre ce qui semble être la meilleure reporter, détruite par tout ce qu’elle a pu voir, et une toute nouvelle dans le milieu, avide d’être au plus proche de la réalité, il y a une large surface que le réalisateur et scénariste occupe. Mais ce qui remonte surtout, c’est la nécessité des images. De couvrir les évènements où qu’ils soient, car même quand il s’agit d’un état voisin, sa population paraît minimiser les faits. Les reporters sont en première ligne, quitte à se faire toucher, pour que les lecteurs et spectateurs ne soient plus éloignés des évènements.
Évidemment, le film de Garland s’inscrit de ce fait en plein dans l’actualité. En pleine guerre Israël/Hamas et Ukraine/Russie. Les images de l’œuvre ne sont pas sans nous rappeler celles que l’on a pu voir dans les différents journaux télévisés. Presque comme un hommage à ceux qui les ont permis.
Make America great again
Mais c’est également une mise en garde, elle aussi particulièrement actuelle. Comme le dit l’un des personnages du film : « j’ai passé ma vie à prendre ses photos pour dire “regardez ce qu’il ne faut pas faire” ». Civil War sort en effet dans des États-Unis toujours plus divisés, plus violents que jamais, et surtout, trois ans après l’assaut du Capitole. L’insurrection du Texas et de la Californie dans le film pourrait presque faire sourire, si cette tentative de coup d’État n’avait pas éclaté auparavant.
Le deuxième enjeu du film, c’est de montrer à quels points ces clivages sont absurdes et surtout dangereux (« Vous êtes américain ? Quel type d’américain ? »). On ne sait pas vraiment comment tout cela à commencer, mais on discerne en revanche qu’aucun cas n’est meilleur que l’autre. Loin d’être un La Chute de la Maison Blanche totale, où toute la nation est touchée, Civil War est en réalité un brulot sur les États-Unis, et sur sa possible contamination sur le reste du monde.
Homo homini lupus est
Avec ce film, Alex Garland constitue petit à petit une œuvre complète. Un sceau semble signer « l’homme est un loup pour l’homme » sur ses scénarios, tant on voit les Hommes s’y entretuer (Dredd), quand les lieux ne sont pas déjà exsangues d’humanité par une guerre précédente (Enslaved), car les militaires y sont souvent dérangés (28 jours plus tard).
Encore une fois, il ne faut donc pas s’attendre à un simple blockbuster avec Civil War, mais à une critique à plusieurs têtes, pas toujours réussies. Ses moments de contemplation, d’errance d’âme le sont déjà plus, même si le climax dramatique déçoit, car visible à des kilomètres, et pourtant singulièrement mal mis en scène. La dernière œuvre d’Alex Garland est d’ailleurs très crue, particulièrement violente, et souvent avec cynisme. Un peu comme peuvent s’apparenter les photographes, attendant le bon moment pour avoir le meilleur cliché, le plus virulent possible, dans l’espoir de faire réagir.