Fake news. L’expression s’est brutalement déversée dans nos écrans depuis quelques années déjà. Pourtant, ces déformations de la réalité ne sont pas si loin des mythes, complots et autres montages… Mais plutôt que de les subir, Fictiorama Games propose de les contrôler et de les lâcher sciemment dans les populations, pour dominer le monde grâce à la Fabulous Fear Machine.
Faites un vœu
Il existe justement une légende ancienne. Celle d’un automate de foire aux dons uniques, capable d’exaucer vos rêves, sous conditions de suivre ses règles. Cette machine sera trouvée bien difficilement par trois personnages distincts. Tous ont un but précis, pas toujours très ambitieux, et devront se salir les mains pour y arriver.
Si le premier protagoniste prend une forme presque attendue (une PDG d’une entreprise pharmaceutique), le deuxième est un contre-pied surprenant. Un agent d’assurance qui devra faire basculer sa ville dans le chaos pour vendre plus. Bref, Fictiorama ne cède pas au « toujours plus » et varie autant les échelles de régions que d’objectifs.
C’est la peur qui mène le jeu
The Fabulous Fear Machine propose en effet de propager la peur dans des régions entières du globe pour mieux asservir la population. Émeutes à cause d’un black-out, araignées mortelles dans des bananes, changement climatique ou encore boogeyman… il y en a pour tous les goûts. Celles-ci apparaissent sous forme de cartes à collectionner, regroupées en quatre catégories distinctes.
L’automate de voyance distribue les cartes à chaque début de partie, et c’est au joueur de composer avec ces précieux cartons. Sachant que chaque personnage a une thématique plus ou moins visible (peurs liées aux sciences, urbaines/locales ou de pouvoir). Les illustrations sont superbes, tout comme le design général du jeu, qui oscille entre pop-art, pulp magazines et comics des années 50. Une claque stylistique visuelle, mais qui manque peut-être un peu d’ambition sonore. Les voix sont rares, et les musiques limitées (mais de qualité).
Risk BFM
Après la distribution du deck, le joueur va devoir placer très stratégiquement ses objectifs sur la région à contrôler. Un bon choix peut clairement accélérer la partie, et nombreux sont les modificateurs (une utopie à renverser, une légende ancrée à développer, des blocages de catégorie de peurs…) présents sur le territoire.
Une fois la préparation effectuée, il faudra placer une carte sur une ville, et c’est parti pour voir la crainte se propager ! Dès lors, le joueur devra améliorer régulièrement sa hantise pour espérer atteindre une ville puis une autre région, et à terme, valider ses objectifs pour faire basculer la zone. Simple sur le papier, The Fabulous Fear Machine regorge de spécificités qui se renouvellent constamment sur les huit heures de jeu.
Agents of Mayhem
Pour propager les mauvaises ondes, des agents du chaos sont mis sous nos ordres. Au joueur de les faire explorer des villes (pour rajouter des cartes), récolter des ressources (pour faire évoluer les peurs et espions, justement) ou encore espionner des rivaux, qui ne tarderont pas à mettre le nez dans vos affaires. Ceux-ci bloqueront des emplacements, des ressources, et à terme, peuvent aussi conquérir des régions. À vous, donc, de les discréditer en trouvant des documents compromettants dans leurs opérations. Une fois les points de vie du rival descendus à zéro, celui-ci est éliminé. De quoi s’étendre plus sereinement.
En plus des opposants, deux facteurs peuvent jouer contre vous. Les évènements tout d’abord, qui peuvent être neutres/bonus/malus, mais qui méritent toujours de mettre un agent sur le coup, pour des gains plus intéressants (ou des pertes plus limitées). Et le temps qui passe est aussi votre adversaire. Car s’il est possible d’installer une pompe d’oléum (la monnaie du jeu) dans chaque ville atteinte, plus le chrono tourne et plus vos revenus sont ponctionnés d’une partie de cette acide. Il est donc nécessaire de jouer vite, bien que la banqueroute ne nous soit jamais arrivée.
Peur sur la ville
Le game over est à vrai dire arrivé qu’une fois, sur l’une des toutes premières parties. On comprend très vite qu’il faut avoir des yeux partout et ne pas se laisser submerger. Anticiper le besoin en ressources pour les montées de niveau, explorer les futures villes à conquérir, avoir des réserves de coups bas pour son adversaire tout en faisant couler à flots l’oléum : le b.a-ba du jeu de gestion.
Mais ce serait oublier la superbe surcouche du titre : celle de la peur. On l’a dit, chaque carte en représente une, et on se délecte de certaines, très actuelles… Vaccins contre un virus inventé de toutes pièces, reptiliens, réchauffement climatique louche… The Fabulous Fear Machine est le paradis des comploteurs, tout en dressant une satire des complotistes. Par ailleurs, chaque carte se laisse deviner petit à petit lors de ces quatre niveaux de puissance. Notons un petit mini-jeu, qui demandera de trouver un mot-clef correspond à la thématique du mythe en question.
Feel Like Being a Fabulous Fear Machine
On pourrait encore parler des utopies, ces cartes à malus qu’il faut renverser pour créer de puissantes peurs ou même la possibilité de cloner des craintes. Fictiorama signe à coup sûr un jeu riche en mécaniques et surtout en renouvellement des règles. Hélas, l’ennui pointe un peu le bout de son nez à chaque fin de partie, lorsque le rival a été éliminé, que les pompes sont partout et que l’on patiente juste que les cartes montent en niveau. Il n’est alors pas rare de faire produire ses agents pour le plaisir de gain, en attendant la fin de partie.
Ce n’est hélas pas le plus gros reproche que l’on fait au jeu. Si sa thématique et sa direction artistique sont aussi originales que brillantes, The Fabulous Fear Machine pêche tout d’abord par une fin décevante. Comme si le titre n’était pas tout à fait terminé. On imagine d’ailleurs que les développeurs proposeront de nouvelles histoires, en mise à jour ou via un DLC, mais pour le moment, on sent comme une absence de fin. D’autant plus qu’il ne faudra pas compter sur un mode multijoueur ou libre, façon Plague Inc. Seul le remplissage de son album Panini des légendes nous fera, pour l’instant, repartir dans le monde merveilleux des cauchemars du quotidien.