Ciné Parallèle – L’Antre de la Folie


Chroniques, Ciné Parallèle / samedi, septembre 2nd, 2023

Lorsque l’on parle de John Carpenter, The Thing, Halloween ou encore New York 1997 ne sont jamais très loin. Dans la filmographie très qualitative de Carpenter existe une œuvre tout aussi importante et pourtant moins soulignée. Sorti en 1995, L’Antre de la Folie s’intéresse au très cartésien John Trent qui va petit à petit perdre pied avec la réalité, et nous avec.

L’appel de Lovecraft

L’Antre de la Folie, c’est avant tout la meilleure adaptation de l’univers d’Howard Phillips Lovecraft, sans pour autant s’appuyer sur un livre en particulier. Carpenter et le scénariste Michael De Luca semblent avoir parfaitement compris ce qui fait l’essence des mythes Lovecraftiens. À savoir la présence d’Anciens (des divinités maléfiques venues d’un autre temps et d’une autre dimension qui menacent de réapparaitre) et la folie qui découle de la connaissance de leur existence. Que ce soit l’impossibilité de véritablement décrire les créatures et l’indicible horreur qu’elles propagent, quand ce ne sont pas les personnages qui partent complètement en vrille, au point d’y laisser leur peau.

Un auteur qui a eu (et aura) une influence majeure sur les fictions horrifiques, notamment vidéoludique. Ainsi, au début des années 90, l’ombre de Lovecraft s’épand sur un certain nombre de jeux de rôle avant de passer sur nos écrans. Quelques références s’immiscent ici et là que ce soit dans Shin Megamin Tensei, King’s Quest VI, ou encore Quake. Si les renvois sont aujourd’hui très nombreux, il n’a pas fallu longtemps avant que des titres s’inspirent directement des livres de l’auteur. Infogramme s’en donna à cœur joie et édita Shadow of the Comet en 93 et Prisoner of Ice en 95. Adaptations respectives du Cauchemar d’Innsmouth et des Montagnes Hallucinées. Mais l’histoire retiendra surtout Alone in the Dark du même éditeur, qui, encore actuellement, reste l’une des meilleures traductions vidéoludiques du mythe Lovecraftien. Et si la liste des œuvres s’approchant de près ou de loin à l’auteur est longue, citons pour conclure Eternal Darkness : Sanity’s Requiem soit le titre qui arrive le mieux à nous transmettre la folie de nos personnages.

It’s okay… It’s just a dream

Au-delà de Lovecraft, l’affiliation du jeu vidéo et de l’Antre de la Folie se fait assez tard dans le film, lorsque les choses sérieuses commencent. L’arrivée dans la ville de Hobb’s End se fait en voiture. Lors d’un long trajet, la conductrice percute de nuit un cycliste, qui reprend rapidement la route. Toujours sous le choc, le personnage finira par traverser une épaisse brume avant d’apparaitre littéralement dans ladite ville d’Hobb’s End. Une entrée qui n’est pas sans rappeler celle de Silent Hill. Par ailleurs, les deux villes sont désertes, ou presque, et la réalité y est clairement détraquée, à tel point qu’il est difficile de trouver le chemin du retour.

Lors de la scène où John Trent tente justement de fuir la bourgade, il est accueilli à plusieurs reprises par ses habitants qui semblent avoir muté. Armés de haches et de torches, impossible de ne pas voir en eux les locaux du petit village d’Espagne de Resident Evil 4.

Ce n’est pas un lac, c’est un océan

Si l’Antre de la Folie est la meilleure adaptation de Lovecraft, Alan Wake est lui la meilleure adaptation de l’Antre de la Folie. On y retrouve pour ainsi dire une grande partie de l’histoire du film ainsi que les thématiques horrifiques abordées, et que l’on va devoir divulgâcher. Tard dans le jeu de Remedy, on apprend qu’une entité piégée dans un lac tente d’influencer un écrivain afin de plier fiction et réalité pour pouvoir s’échapper. Alan Wake, grand écrivain horrifique sceptique, s’efforce de survivre et de condamner la Présence. Dans le film de Carpenter, le sceptique John Trent comprend lui aussi tardivement que l’auteur d’épouvante qu’il recherche, Sutter Crane, sert les plans des Anciens, et que ses écrits deviennent réalités grâce à leurs pouvoirs.

Les ouvrages horrifiques de Sutter Crane s’avèrent donc bien réels, démontrés par un personnage secondaire lisant ce qui se passe sous nos yeux. Un procédé que l’on retrouve également dans Alan Wake via les pages du manuscrit dispersées ici et là. Elles commentent directement ce que fait le joueur, comme si son gameplay était déjà prédit.

LET THE NARRATOR TALK

Mais à ce petit jeu là, Galactic Cafe est devenu le maître en 2013. S’il ne s’agit absolument pas d’un jeu horrifique, The Stanley Parable renvoie pourtant beaucoup à l’Antre de la Folie. Ce walking-simulator impose en effet au joueur un narrateur (impliquant donc des écrits) qui explique ce que le joueur va/doit faire. Évidemment, l’envie de ne pas se plier aux décisions du conteur prend rapidement le pas, mais se heurte à un mur. Chaque choix que l’on semble entreprendre seul est commenté par le Narrateur, et est donc prévu. The Stanley Parable tourne ainsi autour de l’idée du libre arbitre, totalement absent du jeu. Il est impossible de déjouer la voix off, et ce, même en ne jouant plus.

Une thématique qui s’installe petit à petit dans l’Antre de la Folie et qui questionne John Trent. Est-il réellement en train de fuir, ou l’a-t-on manipulé ? Pire encore, toutes ses actions ne sont-elles pas écrites au préalable par Sutter Crane, faisant de lui un personnage de fiction ? Et si la magnifique conclusion de l’œuvre de Carpenter peut surprendre (elle doit), il est facile de comprendre la réaction de John Trent lorsque l’on a joué jusqu’au final de Bioshock…

 

https://www.youtube.com/watch?v=98k_thPlIUA

Une réponse à « Ciné Parallèle – L’Antre de la Folie »

  1. J’avais prévu de me refaire de l’abandonware Cthulhu, sachant que, passant complètement inaperçue même dans votre article, un remake a été fait du cultissime AITD !

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