Redfall, ou le développement de l’enfer


Actus / dimanche, juin 4th, 2023

Il y a un mois sortait Redfall, un FPS coopératif ancré dans un univers vampirique. Si le côté Buffy avec des armes avait du potentiel, le reste du titre ne suivait malheureusement pas. Une IA à la ramasse, une histoire succinctement mise en scène, un gameplay plat, des compétences inutiles… Redfall enchaine les erreurs et fut partout sanctionné d’un carton rouge. Le cas d’école du mauvais jeu ? Pas vraiment.

Naissance du chaos

Sans doute intéressé par la question : comment Microsoft a-t-il pu laissé passer cette aberration pareille, le journaliste JV le plus célèbre Jason Schreier, a mené l’enquête. Après plusieurs témoignages des développeurs, il s’avère que la création de Redfall fût particulièrement calamiteuse.

Les origines du projet remontent à 2018. Harvey Smith (directeur d’Arkane Austin) et Ricardo Bare (lead designer de Prey) ont l’envie de faire un jeu multijoueur, loin du savoir-faire solo du studio. Une idée qui n’enchante pas les troupes, mais celles-ci se mettent tout de même au travail. La préproduction s’enlise rapidement, car aucune direction n’est vraiment trouvée, hormis de faire quelque chose dans l’esprit d’un Borderlands ou Far Cry.

Alors que revoilà ZeniMax

Comme si cela ne suffisait pas, ZeniMax vient mettre son grain de sel dans l’histoire. Nous sommes en plein boom des jeux services, et sans surprise, l’éditeur entend bien avoir sa part du gâteau. Redfall se devra donc d’avoir des microtransactions et d’avoir une structure qui justifie des achats sur la longueur. Arkane Austin s’exécute, mais avec un effectif réduit de 70 % comparé au développement de Prey. Il ne reste finalement qu’environ 100 personnes (souvent spécialisés en jeux solos) pour réaliser un AAA en quelques ans.

Difficile en plus pour le studio de recruter. Le projet n’étant toujours pas très bien défini, les offres d’emplois sont floues et les candidatures spontanées arrivent pour des immersives sim solo, soit le genre clef d’Arkane. Pas d’experts en design multijoueur donc, pour un jeu qui est sensé l’être depuis le début.

Quand Microsoft s’en mêle (pas)

Coup de théâtre en 2021 : Microsoft rachète ZeniMax Media pour 7, 5 milliards de dollars. Alors que tout le monde est estomaqué par les conséquences de ce rachat, du côté d’Arkane Austin, on voit Microsoft comme un messie. Les développeurs espèrent que l’arrivée d’un éditeur à leur éditeur va permettre de recadrer le projet sur de véritables rails. Que nenni, Microsoft entend bien ne pas parasiter la créativité de ses équipes, et donne carte blanche à ZeniMax.

Alors que tout optimisme semble mort pour le sauvetage du projet, l’éditeur sent le vent tourner pour les jeux services, et impose la suppression des microtransactions du jeu. Un changement total de direction qui a lieu la même année que l’annonce officielle de Redfall.

Séquelles

On comprend maintenant bien mieux toutes les tares de Redfall. L’inutilité de l’argent virtuel ? Un reliquat du système de microtransactions ? Les cutscenes d’un autre âge ? Sans doute le résultat d’un jeu service remis sous une forme plus classique. Le manque de complémentarité des personnages ? L’inexpérience en multijoueur de la main-d’œuvre d’Arkane Austin.

De son côté, Phil Spencer avait déclaré au micro de Kinda Funny Games que l’échec du jeu « n’est de la faute de personne, hormis la nôtre ». On pensait alors à un simple mea culpa, mais il se pourrait bien que le responsable de la marque Xbox vise en réalité son inaction dans le développement de Redfall. Si Microsoft n’avait pas laissé carte blanche à ZeniMax, peut-être que le résultat serait différent.

Pour l’anecdote, notre critique de Redfall qui était en cours ne se fera pas. Inutile de planter le dernier clou du cercueil d’un titre qui a été jusqu’à vampiriser l’espoir de ses développeurs.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *