Après pas moins de deux ans d’accès anticipé, Blackbird Interactive déploie enfin la version 1.0 d’Hardspace Shipbreaker. Un sim qui rappelle, s’il le fallait, que simulateur peut très bien se conjuguer avec fictif.
L’or à tout prix
Contrairement à beaucoup d’autres sim, le titre de Blackbird possède bien une narration et même une certaine mise en scène, quoiqu’assez austère. Notre premier contact avec le jeu est un contrat de travail qui ressemble plus à un pacte faustien. Pas de syndicalisation, obligation de vote… et à peine le document est signé qu’il faudra rembourser son patron de quelques 2 milliards de crédits.
On comprend alors que la Lynx Corp, notre nouvelle boîte, est le Tom Nook de l’espace. Le fameux poncif de la lutte des classes, sous l’étoile de la SF. À l’inverse d’autres simulateurs qui préfèrent se taire pour immerger totalement le joueur, ici, les protagonistes ont des choses à dire… On n’écoute que d’une oreille leurs tergiversations, tellement on est concentré sur notre travail. Mais petit à petit, le scénario et les personnages commencent à prendre de l’épaisseur. Et si cela reste relativement classique dans le fond, Blackbird a le mérite de défendre son histoire bec et ongles et de réussir à faire accrocher le joueur.
Destruction tout benef !
En tant que tout jeune ferrailleur de l’espace, l’objectif est toujours le même. Il faudra désosser entièrement un vaisseau spatial, en faisant le moins de casse possible. Armé d’un cutter laser et d’un grappin/gravity gun, on gravite justement autour du véhicule pour comprendre comment l’épave est construite. Ensuite, on fond les jointures, découpe sur les pointillés, arrache les meubles et jette tout ça dans l’un des trois bacs de tri. Sachant qu’expulser un matériau au mauvais endroit est retenu sur votre salaire, évidemment.
L’une des nombreuses forces d’Hardspace Shipbreaker, c’est donc de démanteler comme on l’entend. Prendre des risques en dépressurisant à l’arrache ? Faire un tri sommaire ? Ou bien être très minutieux et doubler le temps nécessaire pour gagner un maximum ? Tout est possible et rien n’est véritablement proscrit. Très vite, un méchant goût de revenez-y s’installe grâce au compte à rebours. Chaque sortie est en effet limitée à 15 minutes non négociables. Rapidement frustrant, le décompte est en fait un terrible générateur de « allez, une dernière ». Il y a toujours quelque chose que l’on n’a pas pu faire en temps et en heure et donc forcément une raison de « finir » en relançant une partie. Une véritable drogue digne d’un rogue-like.
Mécanos Express
Évidemment, on apprend à faire plus de choses avec le temps qui nous est imparti. Via les améliorations d’équipements certes, mais surtout par la connaissance empirique des constructions. On se surprend à assimiler l’agencement des vaisseaux, l’emplacement des différents points de coupes, mais aussi les multiples dangers. On adopte de ce fait une stratégie pour démanteler efficacement et le plus rapidement possible. Mais là où le game design est extrêmement ingénieux, c’est que dès que l’on devient à l’aise sur un type d’engin, le jeu nous rajoute une difficulté en plus. On doit alors gérer l’extraction d’un réacteur nucléaire, de vannes de carburant, une IA capricieuse…
Quand ce n’est pas carrément le vaisseau lui-même qui change et donc sa construction. On reprend alors de zéro, avec beaucoup de retenue sur le salaire. C’est sans doute le meilleur point du jeu : l’équilibre entre le plaisir de l’empirisme et le renouvellement ponctuel, mais toujours juste. On ne s’ennuie jamais, même si l’objectif reste systématiquement le même.
Extreme jobs
Hardspace Shipbreaker est probablement le meilleur jeu en apesanteur. Si d’autres ont déjà essayé la formule avec plus ou moins de succès (Adrift, Shattered Horizon…), ici, la gravité est presque le cœur du gameplay. Le joueur est constamment en apesanteur, et doit gérer son orientation, mais aussi l’inertie de l’espace. Le jetpack est évidemment de mise, mais le fameux gravity gun est non moins important. En plus de tirer des structures et d’envoyer une impulsion, il permet également de se mouvoir. Un véritable lasso qui fait gagner du temps et sauvera moult ferrailleurs après un mauvais geste. Car démanteler un vaisseau n’est pas de tout repos. Dépressurisation trop violente, explosion de réacteur, avalé par un four… les causes de mort sont nombreuses et toujours de la faute du joueur. Cela vient systématiquement d’un petit moment d’inattention, qui aura de grandes conséquences. De même, il faut régulièrement garder un œil sur le réservoir d’oxygène ou de carburant, sous peine de casser sa pipe dans d’atroces souffrances.
Soulignons de plus, la superbe physique de l’apesanteur pour chaque objet. On sent que le poids à un impact tout comme le mouvement subit (traction, impulsion, poussée de combi). On apprend relativement vite à donner le bon pli pour ne pas envoyer une structure dans le mauvais bac, voir dans l’espace. Là encore, c’est un formidable sentiment de plaisir quand on saisit la mécanique.
La minute de vérité
Hardspace Shipbreaker a bien grandi depuis son premier lancement et s’étale désormais sur un contenu d’une trentaine d’heures, rien que pour finir l’histoire. Il n’y a certes pas de renouvellement en termes de gameplay, mais c’est sur la connaissance du level-design, que tout se joue. Comme si petit à petit, le joueur devenait lui-même un ferrailleur de l’espace, apprenant sur le fil, les ficelles du métier.
De plus, par sa physique, son scénario qui monte en puissance et son atmosphère tantôt apaisante, tantôt extrêmement tendue, le titre de Blackbird nous entraîne dans une spirale de quart d’heure d’apesanteur grisante. Démonter des choses et les recycler n’aura jamais été aussi plaisant, même si c’est pour le compte de Tom Nook.