Aborder Matrix en 2022, c’est un peu compliqué. Tout d’abord parce que son impact s’est disséminé dans de nombreuses œuvres, sur différents médiums, le rendant moins puissant aujourd’hui. Et aussi car si le film a le statut d’œuvre culte, la trilogie divise toujours autant. Et ce n’est pas le 4e opus qui arrangera les choses.
Reloading the reloaded
On pensait l’histoire terminée en 2003, avec une humanité débarrassée des sentinelles et une matrice toujours fonctionnelle, mais assainie de contrôle. Pourtant la bande-annonce de ces Resurrections sortie de nulle part, nous montre un Neo qui semble tout avoir imaginé, redistribuant ainsi toutes les cartes de cet univers.
C’est presque tout le sujet du film. La réalisatrice cherche à perdre nos repères dans cette matrice, à l’instar de tout être humain qui tente de s’en extraire. Est-ce que tout ceci est réel, ou tout n’était qu’un rêve ? Pour cela, le film réalise un tour de force jamais vu auparavant : il nous jette des clins d’œil qui sont utiles à l’intrigue, et qui ne sont pas de simples coups de coude au spectateur. Chaque objet iconique est contaminé en objet de doute, en une preuve que la matrice, ça n’existe pas.
Destructeur d’esprit
Pour se faire, Lana Wachowski démonte totalement la matrice ET Matrix. Comme un ultime monde parallèle dans un univers imaginaire, on pose la question de ce qu’est Matrix à l’intérieur d’un autre film. Quelles sont les clefs de son succès ? Qu’en a retenu le monde ? Et surtout comment en faire une suite ? On sent dans ce passage incroyable que Wachowski a tout simplement couché sur pellicule des phrases, conversations et séquences qu’elle a rencontré avec des producteurs et grands pontes. Autant d’authenticité pour critiquer le monde du spectacle et notamment celui d’Hollywood.
C’est aussi une possibilité pour Wachowski de continuer le travail de la trilogie de jeux vidéo sortie depuis 2003. On parlait d’ailleurs déjà de la torsion du gameplay pour suivre la narration dans notre article sur The Path of Neo. Resurrections ressuscite justement le lien entre cinéma et jeu vidéo dans Matrix. Après avoir été adapté en jeu, c’est presque le jeu, qui est adapté en film.
Mourir peut attendre
Tout ceci aurait été incroyable si cela avait poursuivi pendant les deux heures. Hélas, cette critique acide et cette réflexion sur soi-même et sur son œuvre ne durent qu’un temps. Le scénario prend alors la direction d’un film d’action plus habituelle, celle de la suite que l’on attendait. Le retour d’une ville réelle poisseuse entremêlé de scènes de combats et fusillades devenues classiques.
Classiques parce que l’on n’est plus impressionné par le bullet-time, les chorégraphies ou ce monde virtuel/réel. Resurrections n’a pas d’avancées technologiques ou artistiques qui l’accompagnent, seulement les résultats de sa psychanalyse, avant de retomber justement dans ce qu’il est. On aurait adoré que ce Matrix soit un pied de nez total, et qu’il se passe complètement de scènes d’actions diégétiques. Ou que la première résurrection ne se fasse pas.