Le nom de Kerry Conran ne vous dit certainement pas grand-chose, et pour cause, il n’a réalisé qu’un long métrage, en 2004. Qui plus est, Capitaine Sky et le Monde de Demain fût un échec cuisant au box-office, et n’a même pas vraiment obtenu le statut de film culte depuis. Et cerise sur le gâteau : il n’est pas loin du plagiat d’une licence de jeu vidéo !
Capitaine Sky et le jeu de société
En 1998, FASA Corporation sort Crimson Skies, un jeu de société, dans un contexte original. Un univers dystopique et diesel punk, où les États-Unis se sont dissous pendant la Prohibition, et où les seules voies de communications sont aériennes, notamment grâce aux zeppelins. Dans cette Histoire alternative, les deux joueurs devront s’affronter dans des dogfights, via des figurines représentant les différentes factions.
Le jeu de société étant un succès, FASA commande un titre PC, réalisé par Zipper Interactive, et édité par Microsoft. Il s’agit évidemment d’une simulation aérienne, où le joueur incarne Nathan Zachary, chef des Fortune Hunters, un gang à la Robin des Bois diesel punk.
Capitaine Sky et le jeu PC
Ces deux jeux contiennent déjà les bases de Capitaine Sky. En effet, le film de Conran se passe dans une uchronie diesel punk, où le héros est évidemment le Captain Sky, un homme à femmes, mais aux limites du superhéros. Et dans ce passé alternatif, l’aviation semble aussi être le terrain privilégié. La moitié du film contient au moins un engin à deux ailes dans le plan, quand il ne s’agit pas d’un porte-avion volant (ressemblant furieusement à l’helicarrier du film Avengers, sortant 8 ans plus tard).
L’univers graphique est également similaire. La technologie avant-gardiste de Capitaine Sky, de son mélange de fonds verts et jeux de lumière façon films noirs des années 50 créent une ambiance rétrofuturiste à l’image, qui va dans le sens du contexte du film. Une technique qui fait écho à la cinématique d’introduction (et à l’iconographie du jeu), qui se veut d’époque, avec de vieilles coupures de journaux, une qualité audio chevrotante, mais une technologie aérienne impressionnante.
Capitaine Sky et le jeu Xbox
Fort d’une critique exemplaire (mais de ventes décevantes), Crimson Skies et FASA sont rachetés par Microsoft, qui avait publié l’adaptation PC. Le groupe de Bill Gates commande alors un deuxième épisode, pour étoffer le line-up de ce qui s’appelle encore la DirectX Box à cette époque. Crimson Skies: High Road to Revenge sort avec une bonne année de retard, en octobre 2003, sur une Xbox qui a déjà fait ses preuves.
Les développeurs ne voulaient pas faire de « simple » portage, ou de suite, mais embrasser un nouveau genre : celui du pulp. La licence devient un peu plus science fictionnelle, voire fantastique. La narration, elle, se rapproche du film d’aventure (un des niveaux est une référence à Indiana Jones). Les cinématiques mettent en avant un tout autre Zachary, bien plus intéressé par les femmes, mais toujours aussi héroïque. Hélas, comme l’épisode avant lui, Crimson Skies est très bien reçu, mais n’est pas un best-seller pour la Xbox.
Deuxième élément à charge
Cette nouvelle identité, pour viser un public plus large, est encore plus proche de Capitaine Sky. Ici, les Fortunes Hunter sont presque réduits à son chef, Zachary, bien plus visible à l’écran. Et avec souvent un pistolet dans une main, et une femme dans l’autre. Mais c’est surtout l’histoire qui rappelle celle du film de Conran. Dans les deux cas, le héros se lance dans une enquête suite à la mort d’un savant, motivée par une coéquipière trouvée en chemin. Les deux scénarios nous montreront des machines encore plus diesel punk, et ce dès les premières minutes. Quand Sky affronte une armée de robots pour sa première apparition à l’écran, c’est un robot-araignée que combat Zachary. Tous les deux à bord de leur biplan, évidemment. Enfin, les deux aviateurs partiront aux quatre coins du monde, avant d’atterrir dans deux lieux de légendes : Lost City (traduit en français dans le jeu) pour High Road to Revenge et Shangri-La pour Capitaine Sky.
Des jeux au film
Les deux, voire trois jeux Crimson Skies et Capitaine Sky et le Monde de Demain sont donc étrangement semblables. Individuellement, chaque élément peut s’expliquer. Même histoire et personnage, car inspirés des films d’aventures. Même contexte, car rétrofuturiste, et des techniques similaires pour appuyer la dystopie ou l’uchronie. Mais ajoutées aux unes et aux autres, ces similarités donnent presque l’impression d’un plagiat, tant le deuxième jeu vidéo est analogue au film de Coran. Cependant, si l’influence du premier Crimson Skies est possible, le film était déjà en préproduction avant la sortie du deuxième jeu de Microsoft. Il s’agit donc d’une coïncidence, ou mieux encore, d’une adaptation non intentionnelle de l’univers créé par FASA, et de très bonne qualité.
Hélas, il semble que le dieselpunk d’aviation soit maudit. Tout comme Conran qui n’a pas eu une grande carrière, FASA fut rapidement fermé par Microsoft, et la licence Crimson Skies n’a plus été revue depuis. Et pour finir, le studio responsable du premier opus, Zipper Interactive, a été fermé par Sony en 2012.