CoD : World at War – L’anti-Call of Duty


Chroniques, Rétro-éclairage / lundi, juillet 5th, 2021

À l’aube du développement de World at War, le studio Treyarch ne le sait pas encore, mais il se fera éclipser par le Call of Duty précédent. Modern Warfare est toujours aujourd’hui cité comme le meilleur opus de la saga, mais qu’importe, CoD Waw est loin d’être un Call of Duty comme les autres.

Qui es-tu, Treyarch ?

World at War n’est pas le premier Call of Duty de Treyarch. Ce studio racheté par Activision en 2001 a déjà fait ses armes deux fois sur la licence militaire. Après le portage de CoD 2 sur la 6e génération de console, les développeurs de Santa Monica ont pu réaliser Call of Duty 3. Un épisode très cinématographique, lorgnant du côté de Band of Brothers.

Alors que Modern Warfare est déjà en développement depuis un an, Treyarch rempile pour la Seconde Guerre mondiale, avec un épisode centré sur des conflits peu représentés. Exit la France ou l’Afrique du Nord, le joueur participera à la prise de Berlin et les batailles du Pacifique.

Jusqu’ici tout va bien

En l’apparence, WaW est un Call of Duty on ne peut plus classique (c’est d’ailleurs ce qui lui a été reproché). Les développeurs utilisèrent le moteur de Modern Warfare et tout le jeu semble être dicté par ce prêt. On retrouve une histoire scindée en deux parties distinctes et très scriptées, tandis que le multijoueur est une pure continuation de celui de MW. Le système de classe personnalisable, l’expérience, les atouts, les séries d’éliminations… tout est repris de Modern Warfare. Les coupes opérées dans le jeu (une campagne britannique et une mission en tant qu’aviateur étaient prêtes) trahissent également un développement revu pour suivre le succès faramineux de Call of Duty : MW.

Pourtant, on décèle quelques idées de game design qui séparent les deux jeux. Ainsi, le multijoueur propose de conduire un tank sur quelques cartes, tandis que la campagne peut se parcourir en coopération. Il est d’ailleurs possible de modifier les options de celle-ci via des cheats à trouver dans chaque niveau. Enfin, notons que World at War est l’épisode qui a lancé le « mode zombie », devenu une icône pour la licence. Pourtant, de l’aveu de Mark Lamiah, le mode n’a failli pas voir le jour. Le président du studio était furieux d’apprendre que quelques développeurs avaient créé ce mode discrètement, alors que le jeu était déjà en retard. Et si Lamiah a ensuite validé l’idée, manette en main, les possesseurs de la licence Call of Duty ont été plus difficiles à convaincre. L’enjeu est de ne pas salir la poule aux œufs d’or.

Guerre sale

Pourtant, World at War est loin d’être un Call of Duty tout beau et conventionnel. Si l’on accole souvent soft-power états-unien avec cette franchise, World at War s’en éloigne complètement. Les développeurs ont fait le choix artistique de dépeindre cette guerre mondiale non pas comme une grande lutte héroïque, mais bien comme une guerre tout ce qu’il y a de plus sale. Le titre n’hésite pas à multiplier les scènes chocs : camp de prisonniers qui vire à la torture, exécution sommaire à coups de Molotov… Tandis que chaque explosion ou l’usage d’un gros calibre engendre le démembrement des soldats. L’un des personnages déclare même « ce n’est pas une guerre, c’est un meurtre ».

Chaque pays semble utiliser ses propres atouts meurtriers, toutes aussi dévastatrices pour l’ennemi que pour l’Humanité. Les attaques kamikazes japonaises, la brutalité de la vengeance pour l’armée rouge. L’invention du lance-flamme pour les États-Unis. Aucune patrie n’est glorifiée, c’est juste la lutte par tous les moyens.

L’Expressionnisme dans le jeu vidéo

Manette en main, on sent la dichotomie entre le plaisir cathartique du jeu de tir et son véritable sens. L’exécution de trois hommes non armés pourrait être plaisante par la toute-puissance qu’elle propose, si elle ne reflétait pas une guerre réelle et horrible. Pour aller dans ce parti pris, l’esthétique campe également un rôle important. En plus du charnier perpétuel et visuel qu’offre le titre (nombreux sont les corps déjà morts sur le champ de bataille), la colorimétrie oscille entre le vert terne, le marron léger, et le gris. Des teintes froides, loin de celles employées pour Call of Duty 2 ou 3, par exemple.

De même, l’aspect sonore pousse presque le joueur dans une sorte de transe. Nos supérieurs nous gueulent littéralement de massacrer et d’écraser l’ennemi. Mention spéciale à Reznov, qui n’a de cesse que se venger de la prise de Stalingrad. Il nous appelle à fusiller ceux qui se rendent, et à haïr tout soldat allemand. De plus, Treyarch a pris le soin de ne pas implémenter de musique épique ou patriotique. Pour accentuer le côté anxiogène et répugnant des combats, des coups de guitares électriques sont donnés, ainsi que des sons électroniques. Lors des grandes scènes, c’est le requiem de Mozart façon chant de l’armée, offrant un côté cynique aux combats.

Plus jamais comme ça

Si le jeu se termine certes sur la prise symbolique du Reichtstag, il crache encore un dernier jet acide, limite punk sur la fin de la Seconde Guerre mondiale. On entend ainsi le discours du président Truman « La victoire à l’Ouest doit maintenant l’être à l’Est. Le monde entier doit être nettoyé du mal » alors que des images de la bombe H passent à l’écran. Véritable charge contre le triomphe à tout prix et l’héroïsme états-uniens. World at War est au fond, un pamphlet contre la guerre

Sans surprise, cet épisode de Call of Duty fit un carton, bien que les critiques furent loin d’être impressionnés, après le passage de Modern Warfare. En revanche, c’est la dernière fois que l’on vit un CoD aussi engagé dans un message et appuyé par une direction artistique aussi forte. Activision mit alors 9 ans à revenir à la Seconde Guerre mondiale.

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