Nombreux sont les studios de développement à avoir une tête pensante proche de la rockstar, bon gré mal gré. De Cliff Bezinski à Hidéo Kojima en passant par David Cage, ils sont la personnification même de leur studio. Josef Fares est l’incarnation d’Hazelight Studios, voire même de ses précédents jeux « coopératif » : Brothers A Tale of Two Sons et A Way out. La fascination pour la collaboration ne fait pas seulement que continuer avec It Takes Two, elle est sublimée.
It Takes Two pour en faire trois
It Takes Two, c’est l’histoire hélas classique de jeunes parents qui se déchirent lentement, mais surement. La situation est évidemment délicate, surtout lorsqu’il faut annoncer le futur divorce à leur progéniture. Hazelight réussit à redynamiser ce cas de conscience quotidien fréquemment adapté dans des comédies romantiques. Sans le vouloir, la fille de Cody et May va transformer ses géniteurs en poupées de bric et de broc pour les aider à se réconcilier.
Si le thème de la séparation familiale a été vu mille fois au cinéma, en séries, en livre, etc. c’est bien moins vrai pour le jeu vidéo. Hazelight part de ce concept, déjà rare dans ce médium, pour en faire un titre uniquement jouable en coopération, car qu’elle meilleur binôme qu’un couple ?
COL-LA-BO-RA-TE
Afin de retrouver leur forme humaine, ils devront suivre les conseils aussi avisés que totalement déjantés du Dr Hakim. Un livre de psychologue avec un accent particulièrement développé. C’est l’une des premières réussites du jeu. L’apparition du Dr Hakim est très rapidement synonyme d’ennuis, mais également d’humour. On se prend très vite à le détester autant qu’à l’adorer tant il ne lâchera jamais l’affaire.
L’autre point fort du titre, qui se voit tout de suite, c’est sa direction artistique. Si les modèles des personnages réalistes sont plutôt ratés (à la limite de l’uncanney valley pour la petite fille), le reste est épatant. Il y a tout d’abord cette idée de poupées de chiffons pour les rôles principaux, mais les décors sont tout autant réussis. L’aventure (taille Playmobil) que vit ce duo va leur permettre de redécouvrir leur foyer comme ils ne l’avaient jamais vu. Il y a évidemment une dimension symboliste et psychologiste du couple qui doit reconquérir ce qu’ils sont, ce qu’ils ont façonné ensemble (la maison donc) avant de pouvoir véritablement recoller les morceaux.
Fourmille de détails à taille de fourmis
Cette maison aux diverses facettes, c’est également l’occasion pour les développeurs de multiplier les décors, et donc les niveaux. Le jardin, la cave, l’atelier, la chambre d’enfant. Parfois même, c’est un objet qui fait office de chapitre entier ! Ces derniers sont extrêmement longs et sont bourrés de subtilités, d’animations et de coins à découvrir. Il n’est pas rare de rentrer dans des sortes de zone ouverte, où un bon nombre d’interactions sont possibles. On trouve alors le temps de faire une petite pause en prenant un train, en faisant de la peinture ou de la luge. Mieux encore, It Takes Two propose une vingtaine de mini-jeux cachés. Une très idée bonne qui permet dans un premier temps de décupler la durée de vie, mais aussi pourquoi pas de lancer le titre uniquement pour se faire ces petits bonus. Les développeurs ont en effet eu le nez creux en les implantant directement dans le menu des chapitres.
It Takes Two est donc loin d’être un simple jeu de plate-forme coopératif. Il enchaine les décors, et là sa grande force, sans que l’un soit moins bon que les autres. Tous sont de véritables trouvailles qui revisitent une maison familiale.
Deux pour le prix de deux
Y’a-t-il meilleur titre qu’It Takes Two pour cette œuvre ? La création d’Hazelight est en effet uniquement parcourable à deux. Pas d’intelligence artificielle, pas de matchmaking, il vous faudra forcément un ami (et plus si affinité). On remercie d’ailleurs le système de pass, qui permet de jouer même si un des deux utilisateurs n’a pas acheté le jeu. Un gros point fort, qu’il faut souligner dans cette industrie parfois trop mercantile.
Impulsé par les pouvoirs fous donnés par Hakim, tout est bon à la collaboration dans It Takes Two. Si May a un marteau, Cody aura les clous. Si Cody a les allumettes, May aura le feu. Autant qu’ils enchainent les décors variés et détaillés, les développeurs multiplient également les trouvailles de gameplay qui nécessitent une véritable complicité, avec un sens parfait du timing. Si parfois les pouvoirs peuvent déjà être vus (le magnétisme et le temps notamment), ils sont ici renouvelés. De même, chaque concept n’est jamais utilisé ni trop longtemps ni trop peu. Tout juste le temps de faire le tour de ce que peuvent proposer les différents pouvoirs en termes de coopération.
À dans dix ans pour aussi bon
On ne l’avait pas forcément vu venir, mais It Takes Two est un véritable bonheur sur tous les points. Une direction artistique au top, un gameplay et des décors qui se renouvellent sans cesse, une réelle inventivité dans la coopération et un humour décapant. Notons d’ailleurs que sous son aspect cartoon, le jeu d’Hazelight cible bien plus les adultes, avec des dialogues souvent cyniques, et une scène particulière horrible (mais drôle).
Le seul véritable point faible du jeu de Josef Fares, hormis ses graphismes « réalistes »… c’est que l’on en redemande ! Il faudra être patient pour retrouver un titre de plate-forme coopérative aussi bon… sans qui ne soit nommé Mario.