The Last of us 2 est en apparence, le miroir du premier opus. Sortis tous les deux sur une console en fin de cycle, ils magnifient tous les deux leur support. Un dernier feu d’artifice sur PlayStation 4 avant de passer à la prochaine génération. C’est également l’occasion pour Naughty Dog de faire le point sur ses dernières 24 années.
Hate/Love
En 2013, le premier opus se finissait, sans trop spoiler, sur une faible ouverture, qui ne laissait pas forcément entendre de suite. La vie continuerait, malgré l’embarras du joueur qui savait la vérité. Ce mensonge n’est pas le moteur de cette deuxième partie, mais plutôt son essence, distillée à travers plusieurs cinématiques. Le véritable point de départ est la (traditionnelle) vengeance, qui lance deux personnages l’un contre l’autre, avec une rage folle. Se met en marche un cycle de la violence d’une rare cruauté, car brutale et réaliste.
Cette violence (dans le gameplay, mais surtout dans l’histoire en elle-même) est d’ailleurs mise en constante opposition avec l’amour. Un thème utilisé au mieux dans le jeu vidéo maladroitement si ce n’est catastrophique. Malgré un miroir évident (Owen/Abby/Mel et Ellie/Dina/Jess), les deux histoires de cœur se tissent de manière crédible et surtout naturelle. Tout est explicite, sans que cela ne soit gênant. Une première pour le jeu vidéo AAA ?
Classique en manette…
Il est vrai, The Last of us était conventionnel dans son gameplay, et cette suite marche dans cette lignée efficace. Un jeu d’action qui alterne entre fusillades intenses, séances d’infiltration sous tension et moments de pure narration. Petit bémol : quelques énigmes répétitives et sans intérêt se mêlent à la fête. Les planches et palettes à placer au bon endroit ont été remplacées par des câbles et poubelles. Malgré ce petit couac, le jeu se parcourt sans déplaisir (jamais fusillades n’auront été aussi stressantes), et rajoute ici et là quelques nouveautés. Plus d’armes, plus de confections utiles, des mouvements supplémentaires…
Cette suite n’abandonne pas non plus la superbe narration environnementale du premier opus. Chaque lieu que le joueur traverse semble chargé d’histoire. Ici la nature reprend ses droits, là des cadavres gisent dans une banque, et là-bas des traces de pillage s’observent. Malgré tout, TLou 2 privilégie les notes disséminées dans le décor à l’imagination du précédent épisode. Volontairement plus nombreuses, elles ont été pour raconter d’autres histoires de violence, thème encore une fois principal de cette aventure. Se faisant, ces textes abiment un peu la narration environnementale. Heureusement, le jeu peut également compter sur des graphismes ultras léchés. Mention spéciale aux yeux des personnages, enfin remplis de vie dans un jeu vidéo.
… jamais dans son récit (alerte spoiler)
The Last of us fût bluffant grâce à sa fin, sa suite met la barre bien plus haut. Il ne faudra pas plus de 30 min pour que le premier déclic ne se fasse, et que la première déflagration ne se fasse ressentir 30 min plus tard encore. Ainsi, en une heure, The Last of us 2 nous promet une mise en récit inédite, sur le prétexte absolument classique de la vengeance. La mort de Joël (catalyseur de la violence à suivre) est d’autant plus choquante que les développeurs nous mettent l’arme à la main sans que nous le sachions. Une première surprise émotionnelle, qui est suivie d’une deuxième en milieu de parcours. On ne réincarne pas seulement l’assassin de Joël, mais on améliore également ses armes et ses compétences tout au long de cette deuxième partie. Se faisant, on construit notre propre démon, notre propre Némésis.
Le plus fort étant que cela ne se fait jamais au détriment de l’identification. Grâce à un sens du montage exemplaire, des flashbacks permettent de comprendre à l’instant T les personnages, et de nous motiver également. Ainsi, le manichéisme est anéanti du jeu. Le seul véritable antagoniste est finalement le joueur lui-même. Il incarne l’expression « l’Homme est un loup pour l’homme », au cœur du jeu. Les personnages, nourris par leur désir de mort, ne peuvent se faire confiance à eux-mêmes, et le joueur ne le peut non plus. Ultime preuve de cela, dans la dernière partie du jeu, le joueur ne sait plus s’il s’agit de la fin ou non, à la manière d’Ellie, hantée par les événements.
La patte du Naughty Dog
Si Uncharted 4 était un bilan de la quadriplégie, The Last of us 2 est une introspection de Naughty Dog. La patte du studio est partout. On a déjà parlé de la narration environnementale dont ils sont maîtres, mais c’est également dans les scripts que l’on reconnait ses créateurs. Alors qu’un Call of Duty, par exemple, enchaîne les passages scriptés, Naughty Dog les propose ici avec parcimonie. Ce qui les rend ainsi bien plus choquants. On a parlé du cas de Joël, mais même une balade à cheval longue de plusieurs heures (réelles) peut subitement s’arrêter sur une explosion. C’est une confirmation, avec The Last of us 2, le studio est également maître dans l’art de construire l’inattendue. De la même manière qu’Uncharted, il y a une véritable envie de flageller ses personnages. Ils s’écrasent sur le sol à plusieurs reprises, prennent des coups de poing, se perforent le ventre, quand ils ne meurent pas directement.
Si Nathan Drake ressemblait à un Pierre Richard de la cascade, ici, les séquences sont évidemment plus crues, et plus chargés de sens. Le sang coule des personnages, avant celui de leur Némésis, les prévenant de leur violence. Même les éléments se déchainent contre les humains chez Naughty Dog. Là où Nathan Drake lutte dans le désert dans Uncharted, c’est contre une impétueuse marée que se bat Ellie. L’un se veut uniquement anti-spectaculaire, l’autre est une épreuve, un obstacle envoyé à Ellie avant l’un de ses meurtres. Et lorsque Abby doit fuir en avant, évitant les encombrements sur sa route, trouvant le bon itinéraire pour perdre le moins de temps, c’est à Crash Bandicoot que l’on pense. La boule de Boulder Dash est alors remplacée par un monstre horrible. Notons d’ailleurs ce point, hélas, cyclique de Naughty Dog : les boss nuls. The Last of us 2 ne fait pas exception, bien que celui dans le théâtre est ingénieux dans sa mise en scène.
Influenceurs
Il y aurait sans doute encore beaucoup à dire sur le jeu. Finissons ainsi sur ses magnifiques plans. La horde, l’île, et toute la dernière partie sont assurément des moments que l’on gardera en tête. Le jeu lui-même semble faire référence à certains autres titres. Les dernières minutes sur l’île renvoient ainsi au reboot Tomb Raider, tandis que Red Dead Redemption 2 semble planer sur TLou 2. Abby est finalement une Arthur Morgan qui se découvre, les deux personnages ayant un parcours pas si différent.
Assurément, The Last of us 2 est un grand jeu, qui balaie facilement le précédent opus. Il faut dire qu’il a plus de choses à raconter et le fait surtout de manière totalement inédite, et pas uniquement pour le jeu vidéo. Les personnages de The Last of us 2 ne sortent pas indemnes de leurs aventures, le joueur non plus.
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