Ciné Parallèle – Ratatouille


Chroniques, Ciné Parallèle / mardi, avril 14th, 2020

Rémy a beau être un rat, il possède pourtant un odorat et un sens du gout particulièrement développé. Deux atouts qui, couplés à la phrase de son mentor « tout le monde peut être cuisinier », lui donnent l’ambition de devenir un gourmet reconnu. La chose est hélas peu aisée quand on est un rongeur, ce qui pousse Rémy à utiliser des moyens capillotractés et évidemment vidéoludiques.

À la chaîne

La cuisine et le jeu vidéo ont toujours entretenu un rapport privilégié. Depuis fin 90, celle-ci s’est petit à petit imposée dans nos jeux. D’EverQuest à Red Dead Redemption 2 en passant par Monster Hunter, se faire des petits plats permet de remplir sa barre de vie, voire même de gagner quelques bonus d’effets. En termes de mécanique, il ne s’agit ni plus ni moins que de craft, et ce n’est clairement pas de ce côté que Ratatouille se rapproche du jeu vidéo, mais plutôt de la gestion.

La cuisine de Chef Gusteau ! se veut être un reflet des plus grands restaurants. La pression est maximale, les plats s’enchainent et tout le monde s’affaire. Une situation que bon nombre de jeux ont singé. Si l’on pense au récent Overcooked (axé sur la camaraderie qui se transforme en cauchemar), l’inspiration est plutôt entre Cake Mania de 2006 et Diner Dash de 2003. On retrouve les commandes à prendre et à servir dans le délai le plus rapide possible.

Chef (cuisinier), oui chef (cuisinier)

Cependant, cette image de cuisine sur le qui-vive est seulement en arrière-plan. Ratatouille, est surtout une drôle façon de préparer les plats. En tant que rat, la tâche est un peu plus complexe et demande une organisation spéciale. Ainsi, vers la fin du film, lorsque les humains ont déserté, c’est tout un clan de rongeurs qui vient épauler Rémy. La cuisine est envahie pour réaliser toutes les commandes.

L’inspiration est très marquée par l’armée puisque les rats viennent par régiments pour chercher leurs différents ordres : « 3e section, vous vous occuperez des poissons, 4e section à la rôtisserie […] Tout le monde à son poste ! Go, go, go! ». Le discours militaire, employé pourtant furtivement rappelle également le jeu vidéo, et notamment ceux de stratégie. Rémy incarnant un joueur de STR, donnant des ordres à ses troupes. Quelques plans plus tard, la cuisine est devenue un champ de bataille où toutes les unités ont leur rôle dans cette guerre culinaire.

Cheveux en main

La personnification de Rémy en tant que joueur se fait d’ailleurs tout au long du film. Sa technique pour pouvoir cuisiner sereinement est de « conduire » Alfredo en lui tirant les cheveux. Évidemment, les premiers plans où ce mécanisme est employé rappellent surtout les marionnettistes manipulant les ficelles de leurs mannequins de bois et de tissus. À un détail près : la figurine est vivante. Ce qui rend la chose cocasse, lors de l’entrainement à ce subterfuge.

La mécanique rappelle alors celle des QWOP, ces jeux où l’on contrôle un membre d’un personnage par touche. L’intérêt est d’enchainer les touches dans le bon ordre et timing pour avoir des gestes fluides. Évidemment, les premiers pas sont difficiles et l’avatar est ridicule, car désarticulé. À défaut d’avoir eu un jeu du genre sur la cuisine, on peut penser à Surgeon Simulator où le chirurgien détruit tout sur son passage à cause des contrôles trop réalistes justement.

Ratatouille d’avatar

Si l’exemple des QWOP est le plus probant (chaque touche correspond à un geste, là où c’est chaque mèche dans Ratatouille), chaque jeu où l’on contrôle un personnage pourrait quelque part s’apparenter à ce que fait Rémy. Il manipule tout simplement un avatar par un lot de mécanismes qu’il actionne simultanément. Et quand le joueur/Rémy n’est plus là, l’être contrôlé ne sait plus rien faire.

À la fameuse question « tout le monde peut-il cuisiner ? », le film répond par l’affirmative. Une autre analogie au jeu vidéo puisque si l’on peut tous jouer à Cooking Mama cela ne fera pas de nous des cuisiniers d’exception. De même que si l’on peut incarner un chirurgien, un soldat d’élite ou un guerrier de fantasy, le jeu ne nous donne pas les compétences pour le devenir. Seul l’avatar ramassera l’honneur virtuel d’un monde sauvé… ou d’une délicieuse ratatouille.

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