Joker – Humain et psychopathe à la fois


Cinéma, Critiques / vendredi, octobre 18th, 2019

Avec la sortie de Joker, on s’aperçoit d’une chose : les vilains n’ont toujours vécu qu’à travers les films de superhéros, comme simples antagonistes. Seuls les très récents Brightburn et The Boys ont tenté d’inverser le point de vue. Joker est le premier film où un méchant connu de comics devient personnage principal… et même héros.

La valse des pantins

Ce Joker nait particulièrement de trois hommes. Joaquin Phoenix, qui, approché par Marvel, fait savoir son envie de se concentrer sur les origines d’un vilain, dans une œuvre à budget modeste. Todd Phillips, qui a également décliné plusieurs films des superhéros, explique à Warner Bros. qu’il a une idée sur le personnage du Joker. Enfin, Martin Scorsese, coproducteur, devait servir à appâter Leoardo Di Caprio pour le rôle principal. Le choix de Phillips s’étant porté sur Phoenix, Scorsese devient alors un catalyseur pour le scénario du réalisateur.

En effet, dès le premier teaser Joker semblait faire référence à The King of Comedy. Un film de Scorsese avec Robert de Niro en présentateur télé des années 80. Rôle qu’il retrouve justement dans Joker. Cependant, ce dernier est presque un hommage à la filmographie de Scorsese. L’œuvre de Phillips renvoie également à Raging Bull, mais surtout à Taxi Driver, avec son personnage principal devant antihéros grâce à la violence.

Du rire aux larmes

Joker place dans la fictive Gotham City, dans de tristes années 80 où la fissure sociale entre les riches et pauvres menacent d’absorber la ville entière. Arthur Fleck, tente de joindre les deux bouts, mais surtout, de se faire une place et de dépasser son handicap mental qui le mine depuis toujours. C’est par la violence que Fleck va se transcender. Un simple geste d’autodéfense va le pousser de la survie (littérale) à la prédation. Il décide de ne plus être la proie du système, et de devenir quelqu’un.

Joker pourrait presque se voir comme une histoire classique de héros qui se découvre. À défaut qu’ici, le héros en question n’a aucun sens moral et prend plaisir au chaos, si celui-ci permet un retour à l’équité. Le film arrive brillamment à nous faire adorer un psychopathe. Chose que plusieurs œuvres avant lui avaient faite (American Psycho, Le Silence des Agneaux) certes, mais avec une dimension supplémentaire. Il y a clairement un côté politico-social dans le scénario de Phillips, sans pour autant qu’il soit porteur de ce message.

Joker Begins

Évidemment, Joker n’est pas qu’un film d’antihéros psychopathe. Il est avant tout affilié à l’univers Batman. Et si on avait pu craindre un enfermement pour le scénario de Phillips, c’est tout le contraire. Le réalisateur s’est en effet amusé avec les codes du comics de Bob Kane. Des personnages clefs font ainsi leur apparition sans qu’il s’agisse de simples clins d’œil pour fans. Phillips reprend le Batmanverse pour le reconstruire à sa façon, grâce à plusieurs personnages, et donc Joker en premier lieu.

Impossible de ne pas saluer la performance de Joaquin Phoenix qui réussit à chaque plan à être aussi attendrissant que glaçant. Il est à la fois le protagoniste le plus humain et le plus psychotique du film. La performance va jusqu’à un tel degré qu’il est parfois méconnaissable. On imagine facilement à quel point le tournage devait être intense face à ce Fleck se jouant de Phoenix. Même le changement de corpulence (souvent un gimmick d’acteur, comme chez McConaughey) est ici effroyable, notamment avec cette étrange épaule gauche qui semble désarticulée. Au final, on pensait l’incarnation de Heath Ledger impossible à atteindre, et Joaquin Phoenix vient de placer la barre encore plus loin.

Classique hahaha

On pourrait d’ailleurs reprocher à Joaquin Phoenix de trop tabler sur le fameux rire de ce personnage pour créer le malaise. Comme une sorte de gimmick glaçant (à l’instar Jeffrey Dean Morgan et de son basculement en arrière dans The Walking Dead). Élément indissociable du Joker, Phillips a réussi à le tordre pour le rendre angoissant, mais aussi très humain. Notons que l’on rit beaucoup dans ce film, mais ce n’est jamais le spectateur. Ce champ lexical est un fil rouge, qui se répercute évidemment sur la bande-son du film, d’ailleurs excellente.

Les seuls points que l’on pourrait reprocher à cette œuvre, c’est un certain classicisme et, malheureusement, l’attente du spectateur. Par le simple titre du film, celui-ci sait que les choses vont profondément déraper à un moment ou un autre. Cette explosion du chaos peut donc être un facteur frustrant, même si, une fois enclenchée, elle reste une magnifique catharsis et surtout, un happy-ending particulièrement étrange.

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