Syphon Filter : L’agent secret de Sony


Chroniques, Rétro-éclairage / lundi, août 5th, 2019

En 1999, à l’aube de la PS2, sort Syphon Filter sur la première PlayStation. Très vite, le titre est décrit comme le rival de Metal Gear Solid, à cause de son style action/infiltration, et de ses thèmes modernes. Pourtant, d’après John Garvin, le directeur créatif, a toujours insisté pour rappeler que l’inspiration se situait du côté de GoldenEye. À son tour, le titre de Studio 989 va influencer plus d’un jeu…

Terrorisme nouvelle génération

Syphon Filter et Metal Gear Solid partagent donc plusieurs points communs, il est vrai. Notamment leur titre qui fait référence à l’arme en question dans ces licences. Si les Metal Gear sont des tanks bipèdes (des mechas) fabriqués dans le but de renverser la guerre froide, le Syphon Filter est lui un virus mortel créé de la main de l’homme. Les deux jeux proposent donc une idée du terrorisme 2.0. Les armes ont changé, les menaces sont robotiques ou bioterroristes. Dans les deux cas, il s’agit d’une thématique moderne et liée aux découvertes de l’époque.

Au joueur de déjouer ces complots, en incarnant un super agent (Gabe Logan dans Syphon Filter et Solid Snake dans Metal Gear Solid). Les deux titres ont beau être qualifiés « d’action/infiltration », celui de 989 Studio est bien plus tourné action, avec quelques missions où la discrétion est obligatoire. La comparaison s’arrête là entre ces deux productions. En revanche, elle commence ici avec GoldenEye 007.

À tous azimuts

En 1997, Rare Studios sort enfin son GoldenEye 007. Une cartouche mythique qui devient instantanément un titre culte, mais surtout une Bible du FPS moderne. Pourtant, c’est Syphon Filter qui sera influencé le premier. On y retrouve une structure classique en missions à effectuer d’une traite. Les allers-retours de GoldenEye inspirent John Garvin. Les objectifs de Syphon Filter sont ainsi interactifs, ils ne sont pas figés dans le temps. Alors que le plan était clair, il arrive qu’on nous donne un autre ordre en cours de mission, demandant de changer notre tactique. Par exemple, la défense d’un démineur prend le pas sur localiser une cible. Les chapitres sont ainsi plus vivants, et surtout plus réalistes.

De nos jours, il est fréquent qu’un jeu d’action (notamment militariste) change l’objectif, et ce plusieurs fois de suite même, créant ainsi un certain rythme.

M for Mature

En dehors de sa thématique principale, Syphon Filter fait également preuve d’un certain avant-gardisme dans ses personnages. Si son héros est typiquement américain, il est tout de même épaulé par une agente. Un fait rare pour être soulignée. Surtout pour l’époque qui ne laissait aucune place aux héroïnes vidéoludique (hormis Lara Croft et Samus). Mais les développeurs vont encore plus loin, car ce personnage (incarnable à partir du 2e opus) est de nationalité chinoise. Voilà qui détonne avec l’idée qu’on se fait du jeu d’action américain (et de sa fameuse « Agence »). Cette mixité héroïque est devenue un credo pour 989 Studios, puisqu’on y incarnera par la suite Lawrence Mujari, expert en biochimie, d’origine d’Afrique du Sud. Encore une fois, être dans la peau d’un homme noir (qui ne soit pas basketteur) dans un jeu vidéo fin 90 était plutôt rare.

Et si le héros principal reste bien classique, des nuances sont tout de même intéressantes à prendre en compte. L’une des missions consiste par exemple à injecter un sérum aux victimes (qui se révèle être le véritable poison) et d’éliminer les scientifiques ayant travaillé sur le virus. Qu’ils soient armés ou non. Dans les deux situations, le joueur est face à de pures homicides (volontaires et involontaires), et à une rupture des accords de Genève. Un cas moral, malheureusement peu souligné dans le jeu, mais qui fait écho à d’autres titres.

Santé !

Syphon Filter est également avant-gardiste dans ses mécaniques. Citons par exemple la capacité de passer de la troisième à la première personne pour viser, un marqueur de grenade que reprendra Gears of War (et bien d’autres jeux par la suite), des objectifs en temps limité et un système de santé surprenant. Le personnage que l’on incarne possède une barre de vie (très fragile) que l’on peut recouvrir d’une armure, beaucoup plus robuste. S’il est possible de régénérer son gilet pare-balle, la vie est en revanche tributaire du chapitre entier. Une mécanique que reprendra plus ou moins Halo ODST. Notons également une jauge de danger, qui se remplit vite si Gabe reste immobile face aux adversaires. Le mouvement est donc la clef dans les affrontements.

Mineur, mais majeur

Si Syphon Filter est loin d’avoir la renommée de Metal Gear Solid, c’est parce qu’Hideo Kojima a su sublimer le gameplay par une histoire riche et subtile. Cependant, le titre chapeauté par John Garvin a le mérite d’avoir été novateur sur plusieurs points, qu’ils soient liés au scénario, au gameplay ou aux niveaux (celui du train, repris dans Uncharted 2). Hélas, la licence s’est noyée dans la vague de jeux d’action qu’elle a tendu à influencer. Malgré le succès commercial des trois premiers épisodes (et de celui sur PSP), Syphon Filter s’est éteint en 2007 avec Logan’s Shadow.

La saga a pourtant tenté plusieurs virages. Tout d’abord avec l’opus PS2, Omega Strain, ajoute ainsi une légère touche RPG (on crée son personnage, il gagne des niveaux et des armes). Quant aux épisodes PSP, ils s’adaptent forcément à la maniabilité de la console portable. Le côté « run & gun » disparait au profit d’un système de couverture plus classique.

Demain ne meurt jamais

La saga reviendra-t-elle ? Si la fin de Logan’s Shadow est sans doute explicite, l’apparition d’un clin d’œil dans Days Gone attire l’attention. On peut trouver un dossier sur le virus Syphon Filter dans l’un des bâtiments du jeu. Simple référence à la licence qui a lancé le studio, ou véritable envie de ressusciter l’Agence ?

Actuellement, c’est sans doute à travers Spec Ops : The Line que l’on peut le successeur spirituel du premier titre. On y retrouve le thème de la guerre chimique, de la moralité des ordres, et il s’agit bien sûr d’un jeu d’action où l’infiltration est tout à fait possible dans certains cas.

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