Si le travail d’Adam McKay est loin d’être inconnu (La Légende de Ron Burgundy, Frangins Malgré Eux, Very Bad Cops…), on assiste à un tournant dans sa carrière. Après The Big Short, Vice confirme que McKay s’intéresse de près à la politique, avec un angle particulièrement anarchiste, autant sur le fond que sur la forme.
Le Jobs de la politique
Comme son nom l’indique plus ou moins, Vice s’intéresse à Dick Cheney, vice-président (entre autres) sous Georges W. Bush. Comme tout biopic, c’est l’occasion de dépeindre la montée en puissance d’un héros, jusqu’à son apogée. Sauf que Vice n’est pas un biopic comme les autres. Son personnage est rapidement montré comme manipulateur prêt à tout pour arriver à ses fins. Un véritable obsédé du pouvoir et as du détournement de loi. Le film tourne presque Dick Cheney comme un mafieux de Scorsese. Notamment lors de la séquence où le vice-président place ses pions (au sens propre comme au sens figuré) sur une carte des institutions politiques américaines.
Ce qui surprend, et devient rapidement absurde (et pourtant vrai), c’est la capacité de Cheney à tout manipuler. Des médias aux politiques en passant par la population. Même lorsqu’il commet un accident, ce sont les autres qui s’excusent. Cette maîtrise de son environnement est d’ailleurs soulignée par les différents infarctus qu’il a eus, eux aussi contrôlés, de manière assez époustouflante. Le Dick Cheney de McKay s’avère au final être au mieux un machiavel, au pire une ordure, mais dans les deux cas toujours attachant car impressionnant. En revanche, la performance de Christian Bale est finalement passable. On a plus le sentiment de voir une imitation répétitive, à l’inverse du travail sur le personnage de Steve Carell.
Rebel
McKay ne s’amuse pas seulement sur les ambiguïtés de son personnage principal. Si The Big Short contenait quelques surprenantes ruptures de fiction, ici, le réalisateur va plus loin et maitrise mieux le quatrième mur, pour en faire un fil rouge. Le narrateur qui se tape l’incruste devient vite un mystère que l’on a envie de percer à jour… et le spectateur n’est pas déçu. Le côté cancre cool du réalisateur se retrouve également dans le sublime montage du film. Il n’est pas rare que des symboles se glissent entre les différentes séquences de Vice, à l’image du « Wazup », utilisé ici comme satire de la propagation d’une propagande.
Malheureusement, ce biopic partage l’un des points noirs de The Big Short, qui était sa compréhension. En multipliant les images et les stratégies politiques verbales, Vice demande une forte concentration afin de ne pas perdre le fil de ce qui se passe. Mais en bon réalisateur espiègle qu’il est, on peut se demander si l’une des dernières phrases que dit Dick Cheney ne serait pas ce que pense McKay : « Je peux sentir vos récriminations et votre jugement… et je suis parfaitement à l’aise avec ça ».