Comment continuer la saga God of War après son achèvement en 2010 ? Après une tentative incertaine d’un prequel (God of War Ascension, 2013), Santa Monica Studio réfléchi longuement avant de revenir avec leur réponse. Lors de l’E3 2016, le trailer du dernier God of War est presque une évidence. Devenu un Dieu, Kratos doit renaître. Renaître à travers le gameplay, le rendant ainsi plus humain.
Kratos Almighty
Pour bien comprendre comment Santa Monica Studio a faire murir son fruit, il faut retourner à ce qu’il était avant. God of War est (était ?) une licence qui mise sur la surenchère. L’abondance des combats, des opposants, et du sang, qui sont toujours plus nombreux. Tout comme la colère de Kratos envers les Dieux, qui s’étoffe au fil des opus. Il suffit de voir le début de chaque épisode canonique pour s’en convaincre. Dans le premier God of War, Kratos affrontre une hydre. Dans le second jeu, il terrasse le Colosse de Rhodes pour finalement tenter de s’en prendre à Zeus (sans succès). Enfin, dans le troisième opus, Kratos tue rapidement le Dieu Poséidon.
Chaque God of War commence donc in media res, par l’affrontement d’un boss, toujours plus imposant. Mieux encore, le combat de créatures est remplacé par celui d’un véritable dieu. Le pugilat contre Poséidon est expédié au début du jeu, comme pour montrer que Kratos est de plus en plus puissant, et que le massacre des divinités est devenu une routine pour lui. Ce n’est plus un élément majeur, tardif dans le jeu, comme ce fut le cas pour le premier opus par exemple.
Red grec redemption
Contre toute attente, la première séquence de God of War est d’un tout autre registre. La première fois que Kratos lève son arme pour l’abattre aussitôt, c’est pour couper un arbre. En 20 secondes le message est clair : Kratos est passé à autre chose. D’autant plus qu’il semble implorer pardon audit arbre, avant le coup de hache. Cette scène est symbolique de la rupture brutale avec les précédents épisodes, mais aussi scénaristiquement. Cet arbre servira à alimenter le bucher de sa femme. Pour la première fois, Kratos exprime le deuil sans rage envers le destin. Le personnage accepte enfin de ne pas changer le cours des choses.
Cette humanisation se forme, au-delà du scénario, par le gameplay en lui-même. On l’a dit, celui-ci évoque clairement la renaissance de Kratos en simple mortel. Et pour cela, il a « seulement » fallu à Santa Monica Studio de rapprocher la caméra au niveau des épaules du personnage principal. Les angles de vue étaient autrefois des plans d’ensemble plus ou moins fixes, permettant ainsi de remplir l’écran d’ennemis. Ce qui mettait en lumière la puissance de Kratos, capable de terrasser des dizaines d’adversaires en même temps. À l’inverse, la caméra rapprochée de l’opus de 2018 le fragilise. Impossible d’être aussi rapide qu’auparavant ou de composer avec plus de cinq ennemis, car l’action serait alors illisible. Pour compenser, les antagonistes sont plus dangereux. En changeant l’axe de caméra, toute la logique qui en résulte rend alors le personnage principal plus lourd, plus faillible, et donc plus humain.
Fury road
Cependant, Kratos est loin d’être devenu croulant. Son côté divin est comme volontairement rouillé. Ce passage de Dieu de la guerre à simple papa ours bodybuildé volera bien sûr en éclat. Le premier combat contre les divinités du coin est l’occasion pour les développeurs de renouer avec la cinématographie des l’affrontement contre Zeus. On sent tout de même que ceux-ci sont traversés par les nombreux films de superhéros de ces dernières années. Impossible de ne pas penser à l’incroyable brutalité des coups et des projections de Man of Steel.
Kratos reste bien un Dieu, corrompu par la relation humaine père-fils. Il en tire la possibilité de faire le plein de rage lorsque son protégé est en danger.
Les Dieux sont parmi nous
Cette fameuse rage, qui était le moteur des anciens jeux, reste toujours présente, comme un mal que cherche à éviter Kratos. Notamment via tous les conseils et l’apprentissage qu’il inculque à Atreus, son fils. Cette relation est bien sûr une nouveauté dans la saga. Si God of War 3 et Ghost of Sparta nous proposaient un acolyte, ce fut sur de courtes sessions, avec un minimum de contrôle (voir aucun) sur le second personnage.
C’est finalement cette relation père-fils qui fait le lien entre les Dieux et les humains, et ce jusqu’au gameplay en lui-même. Si Atreus tire des flèches efficaces, il gagne par la suite la possibilité d’utiliser des projectiles magiques… voir divins. Côté scénario, le fait que la haine envers les Dieux devienne l’orgueil des Dieux elle-même est clairement souligné.
Trilogie à ne plus finir
A travers diverses scènes du jeu, il est clair que God of War continuera. Diverses questions restent en suspens, sur la présence d’Odin ou la possibilité de mêler les Dieux chinois et égyptiens. Mais c’est surtout le futur d’Atreus qui reste le plus intéressant. En mettant en avant ce personnage, les développeurs souhaitent-ils clore l’histoire de Kratos et passer le relais au fils ? S’il est impossible de répondre à cette question, laissons Kratos nous donner quelques indices : « Le cycle s’arrête ici. Nous devons être meilleurs que cela ».
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