25 ans de Need for Speed : Police, cinéma et recyclage


Chroniques, Rétrospectives / lundi, avril 29th, 2019

Créée en 1994, la licence Need For Speed soufflera 25 bougies cette année. Un évènement qui se fêtera d’ailleurs avec un nouvel opus. En effet, depuis peu, EA publie un épisode tous les deux ans, et 2019 ne devrait pas faire exception. Cependant, est-ce vraiment une bonne chose ? Les derniers Need for Speed ont été refroidis par la critique, notamment à cause d’un manque de renouveau. L’occasion de revenir sur 25 ans de besoin de vitesse.

La base

Si les jeux de course existent presque depuis la naissance de cette industrie, les années 90 ont été un tournant pour le genre. L’avènement de la 3D va ainsi lancer plusieurs licences connues. Entre un Ridge Racer en 1993 et un Gran Turismo en 1997, Electronic Arts se jette dans la mêlée avec Need For Speed. Un premier épisode qui arrive sur 3DO puis sur PlayStation. Le succès est immédiat : EA tient là une de ses plus juteuses séries.

Et pour cause : cette saga comporte une spécificité qui, depuis 1997 est toujours, ou presque, de la partie. Need for Speed demande ainsi de ne pas se battre uniquement contre ses adversaires, mais également contre la police. Il ne s’agit plus seulement d’être premier, mais aussi de ne pas se faire arrêter. Avec l’épisode Hot Pursuit sorti en 2002, il est désormais possible d’incarner également la police. Cette dualité entre chat et souris est depuis au cœur de la licence. À tel point que les limites sont de plus en plus floues.

2 Fast, 2 Furious

Alors que les épisodes s’enchainent à un rythme d’un titre par an, la sortie en 2001 d’une œuvre va bouleverser Need For Speed. Il ne s’agit pas d’un jeu, mais d’un film : Fast & Furious. Celui-ci semble être la parfaite adaptation des NfS. On y retrouve justement des courses de rue illégales et un agent de police lui aussi à cheval sur cette limite. Cependant, l’ambiance nocturne, les musiques et surtout le tuning vont clairement impacter les développeurs. Ces derniers se mettent à l’œuvre et sortent en 2003 Need For Speed Underground, qui renouvelle sensiblement la licence. On retrouve donc des courses de rue de nuit et la possibilité de customiser sa voiture en profondeur : néons, décalco, jantes… Le jeu répond tellement au premier Fast & Furious que le second (sorti lui aussi en 2003) est encore plus semblable. L’introduction d’Underground expose presque plan pour plan la première course de 2 Fast, 2 Furious. Même les modèles de véhicules sont également repris

Les deux licences ne font alors plus que se citer. Pour Need For Speed, cela passe notamment, pour la première fois, par la présence de cinématiques, ainsi que d’un scénario. Si celui-ci reste rachitique (devenir le meilleur pilote de la ville), les développeurs s’inspirent toujours plus de leur rival filmique. Ainsi, en 2005, l’épisode Most Wanted contient plus de cinématiques et celles-ci sont en live-action (on trouvait déjà trois séquences en FMV dans le tout premier jeu). Notons que l’histoire suit évidemment celle des Fast & Furious, puisqu’on y croise une policière infiltrée tentant de mettre hors course une mafia du coin. À ce petit jeu de la référence, Need for Speed Undercover (2008) cite carrément, en son sous-titre, la feature narrative présente dans les premiers F & F.

Curiosités

Si les années 2000 sont influencées par Fast & Furious, et par la recherche du style filmique, 2007 marque la volonté d’un renouveau. Peut-être parce qu’à cette époque, Fast & Furious part également dans l’action pur ? Quoi qu’il en soit Electronic Arts sort Need for Speed : ProStreet. Un titre qui n’a pas fait l’unanimité et pour cause : cet épisode revient sur l’aspect simulation. Exit donc les courses de rue en monde ouvert, et rebonjour les circuits, sans trafic ni police. Deux ans plus tard, même chose, avec Shift. Si Electronic Arts s’entête, c’est également parce que les simulations de course sont à cette époque particulièrement lucrative. Notamment Forza Motorsport, qui en est à son troisième opus. Quant au rallye, la licence Colin McRae Rally (renommée Dirt lorsque le pilote McRae est décédé) est indétrônable. Cependant, Electronic Arts ne va pas de ce côté, et pour cause, l’éditeur a déjà tenté la chose avec V-Rally et sa suite, sorties en 1997 et 1999. 

Les années 2010, c’est également l’explosion des free-to-play. EA l’a bien saisi et lance alors la gamme EA Play4Free. Chacune de ses principales licences se dérive gratuitement : Battlefield Heroes, FIFA World, Command & Conquer: Tiberium Alliances, et donc Need for Speed World en 2010. Une véritable curiosité puisqu’il s’agit d’un jeu massivement multijoueur. On y fait autant la course que l’on collectionne les véhicules via des niveaux. Free to play oblige, on peut y acheter des boosters pour grimper les échelons plus rapidement.

Réinventer son cinéma

Après ses quelques errances symboliques, il était temps pour Need for Speed de trouver une nouvelle forme. Ou plutôt d’évoluer. Car c’est toujours vers le cinéma qu’est orientée la licence. À l’instar de l’épisode The Run, qui se débarrasse des courses en circuits (improvisés ou non) pour se focaliser sur des trajets d’un point A à un point B. Le tout est entrecoupé de cinématiques et surtout, de QTE. Soit des séquences où le joueur doit appuyer sur le bouton indiqué à l’écran, le plus rapidement possible. Un jeu hybride que l’on pourrait qualifier de jeu de courses d’action. La cinématographie de la série s’affirme toujours plus avec l’opus Payback. Cette fois-ci, il est possible de contrôler trois personnages, possédant une conduite différente. L’objectif est clair : multiplier les points de vue sur l’histoire, et aussi sur le gameplay.

Need for Speed est, depuis Underground, comme assujetti au 7e art. Impossible pour les développeurs de se séparer de ce modèle. Preuve en est, le reboot de 2015 (nommé sobrement Need for Speed) revient aux basiques : des courses de rue, de la customisation… mais fut tout de même affublé de cinématiques en live-action. En 2014, Electronic Arts a d’ailleurs bouclé la boucle. Un film éponyme sort, mettant en scène des courses illégales. Aussi surprenant soit-il, celui-ci arrive à se démarquer de Fast & Furious et reste bien une adaptation de la licence d’EA. On retrouve ainsi les technologies utilisées par la police de Hot Pursuit, et même l’Autolog de ce titre. Ce réseau social intégré aux nouveaux jeux Need for Speed est, dans le film, un fil rouge, représenté par Michael Keaton.

25 ans

Comme on l’a dit, les derniers titres de la licence ont été plutôt mal reçus par la critique et par les joueurs. Il ne fait aucun doute, en faisant un rapide résumé de Need for Speed, que celle-ci est traversée par un recyclage constant. Chaque mécanique, chaque trouvaille est ainsi usée jusqu’à épuisement, pour être abandonnée, et finalement reprise. La police, la customisation et même les sous-titres en sont des exemples. Notons ainsi deux Most Wanted et Hot Pursuit, sortis à plusieurs années d’intervalle.

Et si, pour se renouveler, le jeu de course d’EA devait couper les ponts avec le cinéma pour pouvoir avancer ? Les épisodes les mieux reçus étant ceux qui faisaient l’impasse sur une histoire. Hot Pursuit, son remake Rivals, Shift, Underground, et les deux Most Wanted atteignent ainsi plus de 80 % sur Metacritic. Parmi ceux-ci, seul le Most Wanted de 2005 contient un scénario mis en scène. À la décharge d’Electronic Arts, notons qu’il est le dernier éditeur à posséder une licence de jeux de conduite arcade (mais photo réaliste). Le genre est tombé en désuétude depuis les années 2010, et ce n’est pas les faibles ventes de Blur, Split/Second, Flatout ou plus récemment Onrush qui nous diront le contraire. À bien y regarder, Need for Speed a tout de même traversé plusieurs ères, et ce n’est déjà pas si mal.

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