Dans la Brume s’inspire clairement, de par son synopsis, des blockbusters apocalyptiques. Alors que Mathieu retrouve enfin sa femme et sa fille (qui ne peut que respirer de l’air pur), une fumée énorme s’abat sur le monde. Paris est comme plongée sous une nappe de brouillard, évidemment mortelle, d’une bonne centaine de mètres. Les parents sont obligés de fuir au dernier étage, laissant leur fille Sarah dans sa bulle, une sorte de pièce de verre où l’air est filtré en permanence, via des batteries. Le combat de cette famille est schizophrène : survivre à la brume en l’évitant, tout en devant la traverser pour garder leur fille en vie.
Dans la Brume éclectique
La première référence à laquelle on pense, c’est évidemment The Mist de Stephen King (et son adaptation de Franck Darabont). Dans celle-ci, un supermarché est entouré par un épais brouillard, contenant des créatures hostiles. Dans la Brume ne garde finalement que le mystère et transforme cette nouvelle en catastrophe pseudo-réaliste. À y regarder de plus près, le film de Daniel Roby ressemble plus au jeu vidéo I am Alive. Les trois œuvres cités ont pour point commun de ne jamais révéler comment cette apocalypse a eu lieu, car il ne s’agit pas du véritable sujet. I am Alive nous fait vivre après « l’évènement » qui a ravagé la Terre, la laissant dans un champ de ruine, et surtout, de poussière. Ainsi, il règne dans ce jeu une ambiance visuelle similaire à celle de Dans la Brume. On ne distingue presque rien, ce qui étouffe le joueur/spectateur. Les repères sont incertains, effacés, et l’exploration est donc plus difficile. Et pourtant, les deux œuvres ne tournent pratiquement qu’autour de ça : chercher des ressources. Pour se faire, le jeu comme le film laisse une bonne place à l’escalade. Élément qui permet encore une fois d’ajouter une certaine dose de suspens.
Protéger et se servir
D’un point de vue narratif, Dans la Brume emprunte également beaucoup à Dead Rising 2. Et ce dans un contexte pourtant totalement différent. On y incarne Chuck Green, faisant tout pour médicamenter sa fille, mordue par un zombie. On retrouve ainsi le côté désespéré de la maladie, mais aussi du père protecteur. Celui-ci n’hésite pas à braver les hordes de morts-vivants (une brume entière) afin de récolter les ressources nécessaires.
Cette fuite d’un adulte et d’une enfant dans un monde inhospitalier, on la trouve également dans The Last of Us. À défaut qu’ici, les deux personnages n’ont aucun lien au premier abord. De même, dans ce jeu, on retrouve une sorte d’hostilité immatérielle renvoyant clairement à Dans la Brume. Dans diverses scènes de The Last of Us, le héros doit utiliser un masque à gaz pour filtrer des spores, qui le transformeraient sinon en zombie. Ces zones étouffent encore une fois le joueur, par une visibilité réduite. De plus, il sait que cet endroit est jonché de dangers comme Dans la Brume. Par ailleurs, le film crée un suspens à partir du masque à oxygène (seul outil permettant de sortir) qui se vide rapidement. Si celui-ci est illimité dans The Last of Us, Metro 2033 demandait de trouver des filtres fréquemment. Sans quoi la respiration de l’avatar devenait haletante jusqu’à causer la mort du personnage. Une scène que l’on retrouve ainsi dans le film.
Survie
Toutes les œuvres citées ont pour thème commun une gestion du suspens et de la tension permanente. Ce n’est certainement pas un hasard. Les divers personnages doivent tout d’abord lutter contre un élément généralement invisible. Quoi de pire que de devoir combattre quelque chose qu’on ne peut voir, mais qui peut débouler à n’importe quel moment ? Le joueur, comme le spectateur est donc sur ses gardes. D’autant plus que les scénaristes l’envoient le plus fréquemment possible dans ces zones hostiles. Comme pour fréquenter au maximum un inconfort presque freudien. Car ce territoire interdit nous pousse toujours dans nos derniers retranchements, nous demandant dans chaque œuvre : « jusqu’où iriez-vous ? Jusqu’où iriez-vous pour survivre, vous et vos proches ? ». Si cette brume est aussi pressante, aussi accablante, c’est parce qu’elle symbolise le Ça freudien, celui qui détruit les interdits, les normes, pour subvenir à nos besoins parfois les plus primaires. Un thème inhérent à la licence Silent Hill, qui l’explore déjà depuis 1999.