Le cinéma de Night Shyamalan a toujours été traversé par l’idée du destin et de la foi. Ses personnages semblent guidés par un Dieu. Certains y voient d’ailleurs une certaine vision égocentrique du réalisateur. Après tout, c’est Shyamalan (en tant que scénariste) qui trace les histoires de ses personnages. Cependant, avec la fin de Split, c’était le spectateur qu’il guidait, à travers un plot-twist qui mène vers Glass.
Ce qui nous lie
Impossible de ne pas revenir sur ce fait. Déjà parce qu’il faut visionner Incassable et Split avant Glass. Si vous ne les avez pas vus, passez ce paragraphe. L’une des forces de Split était donc de lier ce film avec Incassable, de façon surprenante. Un pari compliqué de par les différentes rumeurs qui ont circulé. Shyamalan a réussi à garder le secret jusqu’au bout. Un exploit, puisqu’entre Incassable et Split, 17 ans se sont écoulés. Le réalisateur a gardé ce projet sous le coude, tout en continuant sa carrière.
Autant dire que l’on attendait ce cross-over qui sortait de nulle part. C’est également l’occasion de mettre l’accent sur Elijah Price, notamment grâce au titre. Ce dernier est d’ailleurs l’un des nombreux codes que Shyamalan a parsemés dans sa trilogie. Chaque film se réfère ainsi à un acteur. La musique et la couleur soulignent aussi la présence des personnages, comme dans la boutique de comics, où « vilains » est écrit en violet, et « heroes » en vert. Chaque membre du trio semble également avoir son thème musical. Une codification qui pourrait être grossière si elle n’était pas aussi discrète, presque comme un easter egg.
Je cite
On pourrait facilement émettre l’hypothèse que Glass est d’ailleurs l’antithèse de la vague de superhéros Marvel/DC. À commencer donc par les références inutiles faites aux fans. Le fan-service comme on l’appelle est ici pastiché, tout comme les codes des comics. On retrouve pêle-mêle les indispensables costumes, le monologue de méchant ou même certains personnages. Le fils de David Dunn ressemblant à l’Oracle de Batman. Si Elijah Price a tendance à penser la vie comme un comic, cela déteint sur le spectateur, qui voit le film comme un écho à ces livres de héros. Difficile cependant de savoir si Shyamalan a anticipé la vague de super qui a déferlé sur nos écrans depuis ses dix dernières années.
La magie, ça n’existe pas
Cependant, ces multiples références servent le film. Les personnages déconstruisent les codes (le plan du génie du mal par exemple) pour mieux créer leur propre histoire. Ce qui permet également à Shyamalan de réaliser une œuvre de superhéros d’auteur. Ses personnages sont voulus comme réalistes, c’est d’ailleurs un thème très clair. On comprend que tous les « pouvoirs » du trio sont peut-être fictionnels. La mise en scène des deux précédents films nous a fait croire à des compétences extraordinaires. L’absence de fond vert souligne que ces personnages ne sont pas magiques. Et c’est sans doute là le tour de force du réalisateur. Son véritable plot-twist est de nous faire prendre conscience de la mise en scène et de ce qu’elle implique.
Car comme souvent, le retournement final adoré par Shyamalan divisera. Disons simplement qu’il est inutile, le réalisateur se force à éclairer des zones d’ombres qui n’en sont pas. On se demande d’ailleurs s’il ne s’agirait pas d’une piste pour une suite…. ce que l’on n’espère pas. Le Shyamalan tient sa trilogie de verre, quand d’autres ont leur trilogie du cornetto ou du dollar.
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