True Crime – L’action-RPG qui ne s’assumait pas


Chroniques, Rétro-éclairage / mardi, janvier 15th, 2019

Née en 2003, la licence True Crime n’a produit que deux épisodes… ou plutôt trois. Sleeping Dogs (sorti en 2012) devait en réalité s’appeler True Crime : Hong-kong, avant que Square Enix ne le rebaptise. Cette série de jeux nous fait incarner des inspecteurs de police aux méthodes peu conventionnelles. Peu conventionnel, le gameplay du premier opus l’est aussi, tant il pioche des idées ici et là. Le titre aurait pu être novateur, mais ses développeurs n’ont sans doute pas compris ce qu’ils faisaient. Retour sur un jeu inconsciemment ambitieux, mais raté.

L’arme fatale

À sa décharge, si  True Crime part dans tous les sens, c’est tout de même volontaire. Lors de son annonce, les créateurs ont mis en avant qu’il s’agirait d’un jeu d’action où la conduite et les arts martiaux seraient tout aussi important que les fusillades. Avec un concept comme celui-ci, Luxoflux (le studio développant ce premier opus) vise, sans se cacher, les films d’action Hong-Kongais. Bien qu’ici, le personnage principal, Nick Wong, évolue à Los Angeles.

Celui-ci est d’ailleurs une tête brûlée un brin égocentrique et machiste. Un comportement que sa partenaire ainsi que son boss n’apprécie guère, mais tolère, grâce aux bons résultats qu’il obtient. Bref, on est face à un scénario classique des films d’action policiers (Un flic à Beverly Hills, Bad Boys, A toute épreuve…). Ce n’est donc pas une surprise si l’on retrouve des têtes d’affiche au doublage. Les habitués du jeu vidéo que sont Gary Oldman, Christopher Walken, Michael Madsen, Michelle Rodriguez sont de la partie.

true-crime

Los Angeles 2003

Jusque là, rien d’original donc. Même le genre de True Crime est basique au demeurant. Nous sommes en 2003, et de nombreux studios commencent à prendre exemple sur le succès de GTA III, sorti en 2001. Si ce dernier prenait place dans une ville fictive (ou plutôt satirique), le titre de Luxoflux vise la démesure : True Crime se passe dans un Los Angeles le plus fidèle possible. Là encore, on reconnait l’usage de codes visuels bien connus. Si ce jeu est un GTA-Like, les développeurs ont pris le soin de s’éloigner de leur modèle, sans finalement comprendre ce qui marchait vraiment. Ainsi, le plaisir de l’exploration et des diverses activités est ici restreint. Le joueur a rarement la possibilité de se balader comme il l’entend entre deux missions. Cependant, quand il n’est pas pressé, Nick Wong reçoit des infos sur des crimes en cours. Rixe sur la voie publique, conduite dangereuse, voire prise d’otage… le joueur a la possibilité de laisser son enquête de côté aux profits de ces différents délits et crimes.

Action 2000

C’est justement lorsque l’action arrive que True Crime dévoile sa palette de pique-assiette. Les fusillades par exemple s’inspirent grandement de ce qu’a inventé Max Payne en 2001. Il est ainsi possible de se jeter à terre pour déclencher un ralenti et viser plus précisément. Mais Luxoflux va un tantinet plus loin en proposant une semi-localisation des dégâts. Tirer dans une jambe ou dans le bras ne tue pas l’adversaire, à l’inverse du torse ou de la tête.

En bon jeu d’action des années 2000, True Crime fait partie des titres ayant opté pour un possible système de couverture. Évidemment, à l’époque, ce procédé était généralement bancal et ce jeu n’échappe pas à la règle : c’est peu intuitif. C’est d’autant plus dommage que la destruction des environnements est bien fichue. Bon nombre d’objets explosent en miettes, y compris les cachettes des ennemis. Un point plutôt rare dans les productions des années 2000.

De même, True Crime propose un système de tir en voiture plus réussi que son modèle. Il est ainsi possible de faire feu à 360 ° au volant. Car on l’a dit, la création de Luxoflux n’est pas qu’un jeu de tir. Les combats à mains nues sont une feature à part entière, avec trois attaques différentes. Lorsque l’adversaire est sonné, il est possible de combiner plusieurs touches pour un gros coup spécial. Si c’est intéressant sur le papier, manette en main, la réalité est encore une fois plutôt brouillonne.

Mass Effect

Pourtant, Luxoflux a vraiment mis la conduite, le combat et le tir sur un même plan. La preuve en est, à chaque fin d’acte, il est possible de dépenser des points d’expérience qui ne disent pas leur nom. En fonction des bonnes actions effectuées (neutralisation plutôt que meurtre), le joueur se voit récompensé de badges qu’il pourra utiliser chez le garage, le dojo ou l’armurerie pour obtenir une compétence. Et c’est là la grande particularité de True Crime. Il est un RPG qui ne s’assume pas. Cette expérience que l’on gagne est finalement liée au karma du joueur. La réputation (le karma donc) est une notion que l’on retrouve dans des titres comme Fallout, Elder Scrolls ou Shin Megami Tensei, soit des RPG. De même, selon le comportement du joueur, et des embranchements scénaristiques qu’il a pris, il aura la possibilité de voir trois fins différentes. Un concept rare dans des jeux d’action des années 2000, mais qui s’inscrit parfaitement dans les action-RPG, comme Fable, Dead Rising ou Jade Empire. Ainsi, sous cet angle, il est clair que les délits que l’on peut résoudre en marge des missions sont autant de quêtes annexes inépuisables.

Il est intéressant de noter que, malgré le refus inconscient du terme RPG, True Crime II : New York City ira encore plus loin dans ses spécificités. Il est possible de choisir son style de combat, de faire baisser ou augmenter la criminalité de la ville (comme Dishonored) et le karma, même s’il est toujours présent, n’est plus une monnaie d’échange. Les upgrades se paient avec de l’argent, ce qui est encore plus proche d’un RPG classique. À l’inverse, le gameplay concernant les fusillades et le combat ne changent presque pas.

Renaissance

Il a fallu attendre le successeur spirituel Sleeping Dogs pour que la licence embrasse l’action-RPG. Un véritable arbre de compétences, des habits modifiant les statistiques du personnage et le terme « expérience » font clairement leur apparition. Ce que reprochait les critiques et les joueurs à True Crime, ce n’était pas tant son aspect touche-à-tout, mais plutôt qu’il ne s’affirmait pas assez. Pour cause, la licence est finalement plus proche d’un Yakuza que d’un GTA. Les développeurs ont sans doute voulu s’émanciper de leur modèle, tout en affirmant un univers similaire. Difficile en tout cas de dire si l’ambition de Luxoflux a touché d’autres studios, tant leurs deux opus font une proposition initiale jamais revue depuis.

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