Les Game Awards : Le nouveau rendez-vous annuel ?


Analyses, Chroniques / mercredi, décembre 12th, 2018

Il y a quelques jours, on se demandait si l’E3 ne devenait pas surfait. S’il reste le plus grand salon de jeu vidéo au monde, il tend à perdre de sa splendeur. Preuve en est, Sony y sera absent l’année prochaine, pour la première fois. À l’inverse, les Game Awards commencent à prendre du galon. À travers la dernière édition, tentons de comprendre pourquoi les Oscars du jeu vidéo deviennent un rendez-vous privilégié avec les joueurs.

Anciennement Spike Video Game Awards

Précisons tout d’abord que cette soirée vidéoludique est plus ou moins nouvelle. Il s’agit d’une émancipation du Spike Video Game Awards (VGA) qui récompensait depuis 2003 les meilleurs jeux vidéo de l’année. Critiqué sur ses choix et sur sa neutralité, cet événement laisse donc place aux Game Awards en 2014. Cette fois-ci, 28 jurés venant de médias internationaux votent pour les meilleurs jeux selon différentes catégories. De même, les réseaux sociaux affectent ce choix sur 10 %. Cependant, cette soirée n’est pas qu’à la gloire des titres sortie. En effet, il s’agit d’un moment privilégié pour diffuser des trailers exclusifs. Si pour la plupart, il s’agit de jeux déjà vus auparavant, les Game Awards sont aussi l’occasion pour les développeurs d’annoncer un nouveau produit.

E3 déclinant, et Game Awards grimpant

Le problème de l’E3 c’est qu’il semble ne plus être aussi majeur qu’auparavant. L’édition 2018 par exemple ressemblait à une transition. La plupart des titres présents n’étaient pas nouveaux, car annoncés à l’E3 2017. Même certaines promesses s’avéraient inintéressantes, à l’image du teaser de The Elder Scrols V, qui n’avait rien à dire. Les annonces étant rares, le joueur ne retient presque rien des différentes conférences. On a l’impression que les E3 importants arrivent par vague, au moins une année sur deux. Il circule d’ailleurs depuis quelque temps que ce salon n’est plus qu’un plan de communication réservé aux investisseurs. C’est sans doute pour cette raison que Sony se détache de l’E3 2019, lui qui est loin devant ses rivaux Microsoft et Nintendo.

À l’inverse, les Games Awards ont l’avantage d’être tout jeunes. Cet événement se cherche donc encore, affinant chaque année sa formule. Il semble d’ailleurs que la dernière édition soit la bonne. En effet, en 2017, seules deux annonces sont sorties du lot. Celle de In the Valley of Gods et l’adaptation de World War Z. Deux jeux qui ne sont certes pas des AAA de gros développeurs, mais qui détonnent tout de même. Le premier étant la deuxième création du studio Campo Santo, ayant fait bonne impression avec Firewatch. Le deuxième attire évidemment la curiosité en tant qu’adaptation du film de Fincher. En revanche, ce jeudi 6 décembre 2018 était bien plus intense. S’il y avait quelques jeux déjà vus (les futurs MMO Dauntless et Ashes of Creation ou encore Rage 2 et sa date de sortie), les grosses cartouches étaient pour la première fois nombreuses.

AA, c’est plus fort que toi

Ainsi, Ubisoft a par exemple annoncé son Far Cry New Dawn, avec une date de sortie proche (le 15 février 2019). Même chose pour Warner Bros. qui prévoit le retour de Mortal Kombat avec un onzième épisode canonique le 23 avril prochain. Enfin, Marvel Ultimate Alliance fait un come-back que l’on n’attendait plus, en tant qu’exclusivité Switch. Fortement pressenti il y a un an déjà, le remake de Crash Team Racing a eu également le droit à son annonce officielle. Voilà pour les « grosses cartouches », mais les Game Awards 2018, c’était surtout des AA. Comprenez par là des titres qui ne sont pas des surproductions, mais pas non plus des petits indés. Un juste milieu un peu bâtard qui sied bien à Psychonauts 2, présent à l’événement, avec un trailer. En effet, si ce jeu dispose d’un éditeur, celui-ci reste fragile (notamment vu sa situation récente). D’autres AA, il y en a eu à la pelle. Citons The Outer Worlds, Atlas, The Last Campfire ou encore l’étrange Ancestors : The Humankind Odyssey. Tous ces titres évoqués dans ce paragraphe ont fait leur première véritable apparition ici. Comparée à l’année dernière, la liste est donc bien plus longue et surtout prestigieuse. Quelles sont les raisons de ce bond, et donc du succès soudain des Game Awards ?

Taillé à la perfection

Pour Warner Bros., Ubisoft et Activision, la raison parait toute simple : la visibilité. En effet, cela permet à ces éditeurs de continuer à être fortement présents sur la scène vidéoludique. C’est d’autant plus vrai que Warner, Bethesda et Ubisoft misent sur des sorties rapides. Ces titres ne seront pas revus au prochain E3 ou à la GamesCom. Dès lors, ces éditeurs ne créent pas un embouteillage, mais plutôt un line-up fluide, toute l’année durant. Rajoutons à cela qu’il s’agit d’un moment creux en termes d’annonces, décembre correspondant plutôt à une période massive de sorties. Il s’agit donc d’un boulevard de communication pour les éditeurs et développeurs.

Il est également intéressant de mettre en avant qu’il s’agit, pour la majorité, de AA. En effet, l’E3 comme la GamesCom sont deux salons où les superproductions dominent. Les grosses exclusivités de Sony, Microsoft et Nintendo sont d’ailleurs grandement promues, notamment pour rassurer les investisseurs. Cependant, depuis quelque temps les constructeurs ont bien compris l’émergence du marché indépendant, et en tiennent compte. Les deux événements permettent donc aussi de mettre en avant quelques « petits jeux », pour toucher autant le grand public que le marché de niche. Ce fameux marché peut également compter sur des salons à son image, c’est à dire confidentiels et très ciblés. On pense par exemple à l’IndieCade ou encore aux diverses PAX qui ont eu lieu dans le monde.

Les jeux AA sont quant à eux orphelins de salons. Bien qu’ils soient présents à l’E3 comme aux PAX, ils restent minoritaires, et peu mis en avant. Sans doute, car trop loin des standards des superproductions, mais également des « petits jeux indés » (alors qu’ils sont généralement eux aussi des titres indépendants). Le succès des Game Awards tient peut-être justement uniquement sur ce marché qui n’avait jusque là pas de terre d’accueil. Les développeurs ne demandent qu’à pouvoir exposer leur travail sans devoir être forcément assimilés aux grosses cylindrées ou à un produit réalisé par une seule personne. Des comparaisons qui n’ont pas de sens, là où la lumière des Game Award en a. On pourrait presque parier que les AA seront encore plus présents à l’édition de 2019. C’est en tout cas tout ce qu’on peut souhaiter à cet événement.
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