Red Dead Redemption 2 – Easy (Pale) Rider


Critiques, Jeux Vidéo / lundi, novembre 26th, 2018

N’y allons pas par quatre chemins : oui, Red Dead Redemption 2 est réussi et coche toutes les cases que l’on attendait de lui. Mieux encore, il dépasse nos espérances, et prouve que les AAA ont des choses à dire, et des progrès à faire. Si tout n’est pas parfait, Rockstar surpasse toujours toute l’industrie sur le monde ouvert. 

Hippie since 1899

Comme à son habitude, le studio dévoile petit à petit son thème principal. Monde sans logique dans GTA V, rêve américain dans GTA IV… Quant au premier Red Dead Redemption, il dépeint la fin d’une époque, le plus finement possible. John Marston était un fantôme du banditisme, tentant de se racheter. Le passé ne pouvant que le rattraper, il s’agissait d’une véritable tragédie grecque en plein Far West. En se plaçant 12 ans avant ce contexte, Red Dead Redemption 2 avait une marge de manœuvre faible. Pourtant, le jeu arrive à délivrer un tout autre message en filigrane. On comprend rapidement  ce qui tourne autour de la petite bande et surtout de son chef, Dutch. Ce beau parleur tente à tout prix de fuir la civilisation et la « bureaucratie ». Une maison fixe et un travail, très peu pour lui. Et tant pis, si pour atteindre cette utopie, il faut commettre des délits, scellant toujours plus le destin. Cette fuite en avant (balançant entre quête rêveuse et secte hors-la-loi) n’est, comme toujours chez Rockstar, pas si loin de notre époque. Si bien que la bande pourrait rappeler les hippies ou les récents mouvements visant à quitter le plus possible la société de consommation. Toutefois, la liberté a un prix, tout comme la tête de Dutch. L’utopie est donc sans cesse repoussée du pied, un peu comme dans GTA IV, où Niko Bellic n’arrivait jamais à saisir le rêve américain. Sauf qu’ici, il ne s’agit pas d’intégration ratée, mais plutôt d’une désintégration obligée. Les personnages sont enfermés dans un labyrinthe (d’ailleurs matérialisé par l’espace de jeu), courant d’un point à un autre sans jamais pouvoir s’en sortir.

Liberté dans le gameplay

Pour la première fois dans un jeu Rockstar, le thème principal n’est pas que présent dans la trame, mais s’exprime également manette en main. Sans doute influencé par Zelda : Breath of the Wild, Red Dead Redemption 2 n’est pas une carte immense. Là où le premier opus allait dans ce sens, quitte à proposer des trajets interminables en chevaux, son successeur fait bien mieux. La map semble donc plus petite, mais diablement plus réussie, plus vivante. Les itinéraires ont beau être plus courts, ils sont plus riches en aléatoire. Allant d’un point A à un point B, on peut rencontrer de simples étrangers, en passant par des personnes en détresse ou des bandits. Cet aléatoire des grands chemins est travaillé par Rockstar depuis GTA IV. Cependant, cette proposition est enfin réussie, car naturelle. Le joueur n’est jamais forcé et il n’a donc pas l’impression d’avoir une mission annexe à réaliser. Par ailleurs, Red Dead Redemption 2 intègre un système de dialogue à la volée bien pensée. D’une simple gâchette, notre avatar peut parler avec une tierce personne. Une feature qui peut également être utilisée lors de quête, pour débloquer des renseignements de manière fluide. Il arrive parfois qu’à la fin d’une mission, un acolyte vous propose de faire un tour ou une activité avec lui. Libre au joueur d’accepter ou non. Là où n’importe quel monde ouvert offre de faire (plus ou moins) ce que l’on veut, ici, les développeurs permettent même d’interagir comme on l’entend avec les personnages, de manière cohérente.

La balade des cow-boys heureux

Rajoutons à cela que cette fameuse liberté s’inscrit également dans un contexte de contemplation. Là où l’on fonçait au galop dans le premier opus, la temporalité est ici bien plus calme. Le jeu nous met d’ailleurs dans le ton dès les premières minutes. Mais finalement, c’est le titre entier qui semble se parcourir au pas. Ainsi, les « missions » n’en sont plus vraiment. Il arrive parfois d’aller voir quelqu’un pour juste pêcher avec lui. Si l’on pouvait croire que le rythme est mort (ou bâtard, au mieux), il est parfaitement ficelé. Les développeurs réussissent toujours à nous distiller des informations clefs ou à garder notre intérêt, notamment par le comique. La « mission » de beuverie est symptomatique de cette absence d’enjeu en étant pourtant captivante. De même, lors de certaines fins de mission, le Red Dead Redemption 2 nous prive du contrôle pour nous faire voyager automatiquement à travers plusieurs plans de caméra. Cela pourrait s’avérer frustrant si le rythme était justement frénétique, nous coupant brutalement dans notre élan.

Ces ellipses vont de pair avec la contemplation. Écartons le fait que le moteur fait des merveilles, on parle ici de la direction artistique. Que ce soit les musiques (balançant entre moderne et western typique) et surtout les effets de lumière. On exagérerait à peine en disant que chaque trajet est différent. On est évidemment invité à ne pas aller trop vite. Et ça marche. Comme le montrait si bien Stanley Parable, les développeurs font du joueur ce qu’ils veulent. Ici, on se prend au jeu, en étant parfaitement plongé dans le contexte. Cette immersion se reflète dans plusieurs features. Tout d’abord, l’ajout de la vue à la première personne, introduite grâce aux versions PS4 et Xbox One de GTA V. Il est possible de faire presque intégralement le jeu de cette façon, même si cela manque encore un peu de naturel (ou l’est-ce justement trop ?). Le fait qu’on se sente vraiment dans cet univers fonctionne également grâce aux différentes mécaniques pseudo-réalistes. Ainsi, l’apparition de la gestion du froid, de la santé du cheval et des jauges d’endurances ne permet pas de faire n’importe quoi. Cela peut d’ailleurs sembler indigeste au début de l’aventure, tant les développeurs nous expliquent de choses. Mais ce qui est symptomatique de la liberté et de la contemplation, c’est sans doute le paramétrage de la mini-map. Si celle-ci est quasi toujours présente dans les jeux du genre, il est ici possible de la réduire, d’afficher une simple boussole ou de la faire disparaître totalement. Une façon d’immerger le joueur et de le perdre dans l’univers virtuel. Il ne reste ainsi plus que l’avatar à l’écran.

La bande de Dutch

C’était l’une, si ce n’est la feature mise en avant par Rockstar : le campement de la bande. À travers ses pérégrinations, le petit peuple de l’ancienne époque s’installe loin de la société. Il s’agit en réalité d’un quartier général plus ou moins mobile. Il ne tient qu’au joueur d’y passer ou non du temps. Il est ainsi possible de saluer ses amis, de leur raconter nos derniers exploits et bien sûr, de réaliser quelques courses. Mais ce qui marche le plus dans ce refuge, c’est l’oisiveté qui y règne. Il n’est pas rare que certaines nuits se transforment en célébration de la liberté, bouteille à la main. C’est dans ces moments que l’on aime traverser le camp pour s’installer à une table et enchaîner une partie de poker. Cependant, difficile de véritablement parler de role-play. Arthur Morgan étant un personnage définitivement Rockstarien. Soit un antihéros solitaire qui subit et tente de composer avec les problèmes, afin de toucher un bonheur inatteignable. Si la licence tend à détruire l’imagerie que l’on se fait du Far West, le cow-boy est toujours un pauvre solitaire, loin de son foyer.

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