Si la violence virtuelle existe depuis l’antiquité vidéoludique (Space Invaders permettait déjà d’annihiler des aliens), la drogue est, elle, beaucoup plus discrète. Pourquoi ce paradoxe entre la banalité des tirs et le tabou des dépendances ? Le mystère est épais, mais Devolver propose de jouer avec le fruit défendu, à travers une œuvre éminemment politique. On tient là sans doute un bout de réponse à la question.
Yes weed can
Weedcraft Inc. est donc un tycoon game (un simulateur de business, en somme) de cannabis. Le joueur commencera avec trois petits pieds d’herbe, puis, en maximisant ses ressources et contacts, il pourra atteindre la fortune. Si la récolte est simple et rustique sur les débuts, Weedcraft propose graduellement de maîtriser tous les paramètres de sa culture : température, espace de la pièce, embauche de nouveau personnel et donc qualité de la matière obtenue.
Provocation maximum
Avant que les Youtubers s’emparent évidemment du phénomène pour des streams divertissants au possible, n’oublions pas le côté profondément politique du jeu. Car Weedcraft Inc. n’est pas un simple tycoon, il possède une véritable structure narrative, avec des personnages qui interagissent avec le joueur. Le contexte est d’ailleurs celui d’aujourd’hui, où de nombreux États d’Amérique du Nord (et pays du monde) viennent à légaliser progressivement le cannabis. En définitive, le défi du titre est plutôt de rendre son business légitime, jusqu’à faire pression sur certains lobbies et organismes. De même, il est également possible de commencer la partie depuis un état qui utilise la fameuse plante comme aide médicinale. Ce qui impacte la clientèle et les diverses taxes. Si Weedcraft Inc. parait irrévérencieux à la base (voire opportuniste), il est finalement un jeu intelligent qui permet de mieux comprendre la situation actuelle sur cette fameuse question de la légalisation. Preuve en est, les développeurs n’excluent pas la possibilité de nouveaux scénarios en DLC si les législations évoluent dans le monde réel.
Signature
Toute cette politique s’explique naturellement lorsque l’on sait que le jeu est édité par Devolver Digital. Cet éditeur qui grossit de plus en plus a commencé, et continue toujours à soutenir les petits studios. Cependant, ce qui a changé petit à petit, c’est la position de l’éditeur sur la scène mondiale. Ce dernier a ainsi multiplié les titres faisant passer la politique comme triviale (Reigns et Not a Hero). Infiniment satyrique, Devolver est, depuis deux ans, qualifié de punk. Leurs parodies de conférence de l’E3 et les prises de position face à Trump ont également fait parler d’eux. Ainsi le propos de Weedcraft Inc. n’est finalement pas surprenant, mais plus poussé.
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